Décision J1/24 : Nouveau cadre pour les demandes divisionnaires européennes

Par Cyrille Poindron,
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Le 16 avril, la chambre de recours juridique de l'OEB a rendu la décision J1/24, modifiant une pratique de 20 ans. Désormais, une demande de brevet déposée lors d'un recours contre une décision de délivrance peut être traitée comme une demande divisionnaire européenne.

La chambre de recours juridique a rendu le 16 avril dernier une décision importante qui change la pratique de l’Office européen des brevets. En effet, cette décision J1/24 annule une décision de la section de dépôt de refuser de traiter en tant que demande divisionnaire européenne une demande de brevet déposée lors d’un recours contre une décision de délivrance de la demande antérieure. Cette pratique de l’office (refuser de traiter en tant que demande divisionnaire européenne une demande de brevet déposée lors d’un recours contre une décision de délivrance de la demande antérieure) est pourtant une pratique établie de longue date par la chambre de recours juridique avec la décision J28/03 rendue en octobre 2004, c’est-à-dire il y a près de 20 ans.

La portée de la décision J28/03

En résumé, la décision J28/03 indiquait que « le statut d'une demande divisionnaire déposée pendant qu'un appel contre la décision d'accorder un brevet sur la demande initiale est en cours dépend du résultat de cet appel. Par conséquent, l'instance de première instance ne peut pas se prononcer sur la question de savoir si la demande divisionnaire a été valablement déposée jusqu'à ce que la décision de la chambre de recours sur le recours soit rendue. »

Cette décision J28/03 était fondamentale, car on ne peut valablement déposer une demande divisionnaire à l’Office Européen des Brevets que si la demande antérieure est en instance. Il est donc capital de savoir s’il y a ou non « l’effet suspensif » du recours.

Dans le cas d’un recours formé contre une décision de délivrance, prise avec le consentement du breveté, et selon cette décision J28/03, l’Office considérait que l’effet suspensif n’a pas lieu, car la décision de délivrance n’est pas contraire aux intérêts du breveté.

La décision J1/24 : un nouveau tournant

La présente décision J1/24 vient d’annuler une décision de la section de dépôt de refuser de traiter en tant que demande divisionnaire européenne une demande de brevet déposée lors d’un recours contre une décision de délivrance de la demande antérieure.

En particulier, la chambre de recours juridique a essentiellement pris en compte les deux points suivants :

  1. La protection provisoire

Le requérant a fait remarquer à la Chambre de recours juridique que l’Office, lorsqu’un recours contre une décision de délivrance est formé, efface la date de la publication de la mention de délivrance du registre européen des brevets. Dès lors, la Chambre de recours juridique a considéré qu’au moins la protection provisoire liée à toute demande de brevet était un droit qui subsiste, ce qui l’amène à considérer que la demande antérieure « est en instance ».

  1. L’effet suspensif

La Chambre de recours juridique considère dans cette affaire J1/24, que l’effet suspensif mentionné dans l’article 106 CBE s’applique d’office et n’est pas conditionné à un quelconque résultat du recours. A ce titre, on peut noter que la chambre de recours juridique exprime son désaccord avec la décision J28/03.

Conclusion

La décision J1/24 renverse donc la décision de la section de dépôt de refuser de traiter en tant que demande divisionnaire européenne une demande de brevet déposée lors d’un recours contre une décision de délivrance de la demande antérieure. On peut donc noter qu’il est désormais possible de former un recours contre une décision de délivrance pour déposer valablement une demande divisionnaire.

Cyrille Poindron, Conseil en Propriété Industrielle – Brevets – Directeur du Département Mécanique, Novagraaf Suisse

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