Les défis de l’enregistrement d’une marque de motifs de l’Union européenne

Par Constance Bassi,

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Comme le savent les professionnels du droit des marques, le dépôt de marques non traditionnelles – les marques dites « traditionnelles » s’entendant des marques verbales, figuratives ou semi-figuratives – auprès de l’INPI et de l’EUIPO s’avère bien souvent complexe et son résultat très incertain. Il est dès lors relativement difficile d’évaluer l’opportunité du dépôt d’une marque tridimensionnelle, de position ou de motifs.

S’agissant, en particulier, des marques de motifs, l’EUIPO n’est généralement pas favorable au dépôt de ce type de marque dans la mesure où les signes constitués de motifs décoratifs sont susceptibles d’être perçus par le consommateur comme des éléments purement ornementaux, et non comme des éléments remplissant une fonction de garantie d’origine. Or, on le sait, dans l’arrêt Adidas (C-408/01) du 23 octobre 2003, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que « lorsque (…) ledit public perçoit le signe exclusivement comme une décoration, il n'établit, par hypothèse, aucun lien avec une marque enregistrée, de sorte que n'est alors pas remplie l'une des conditions de la protection conférée par l'article 5, paragraphe 2, de la directive » (point 41).

Comme indiqué dans les Directives d’examen de l’EUIPO, seul un motif qui diverge de manière significative des habitudes du secteur est susceptible d’être perçu comme un indicateur de l’origine des produits par le public. En outre, le motif doit être facilement mémorisable, ni trop simple ni trop complexe.

Dans les arrêts sur le motif tartan (TUE, 19 septembre 2012, V. Fraas c/ OHMI, huit affaires distinctes), le Tribunal conclut au défaut de distinctivité des marques en présence au motif que « d’un point de vue graphique, la représentation des carreaux en cause ne comporte aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de tels motifs et que, dès lors, le public pertinent ne percevra en réalité qu’un motif banal et courant ».

Les juges tentent donc de déterminer si le motif soumis à leur appréciation se distingue de ceux habituellement utilisés dans le secteur par une ou plusieurs caractéristique(s) mémorisable(s). Cette appréciation est particulièrement subjective.

Un examen des marques de motifs récemment enregistrées auprès de l’EUIPO montre que, dans la majorité des cas, des lettres faisant référence à la marque, voire la marque verbale dans son intégralité, sont intégrées au motif. Si l’ajout d’une marque verbale ou au moins d’une lettre peut permettre d’obtenir l’enregistrement d’une marque de motifs, il n’en reste pas moins que la protection de cette marque sera considérablement affaiblie par la présence de ces éléments verbaux dans la mesure où l’évaluation du risque de confusion en tiendra nécessairement compte. Ainsi, en cas de dépôt ou utilisation d’un motif proche sans reprise desdits éléments verbaux ou avec des éléments verbaux différents, le risque de confusion sera moins aisé à démontrer et ce d’autant plus que, dans une marque complexe, les éléments verbaux sont généralement considérés comme dominants.

Dans le cadre de la création d’un motif ayant vocation à identifier à lui seul votre marque, il est particulièrement important de prendre en compte ces considérations et de tenter de s’éloigner au maximum des motifs habituellement utilisés dans votre secteur d’activité. Nous vous invitons bien entendu à consulter un professionnel du droit des marques, si possible avant la finalisation de votre motif, afin d’optimiser les chances d’obtenir l’enregistrement d’une marque sans que l’ajout d’un élément verbal ne soit nécessaire.

Revoir notre webinaire : Les marques non traditionnelles

Constance Bassi, Conseil en Propriété Industrielle, Novagraaf, France.

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