« TOUR DE X » : Une victoire juridique face au géant du cyclisme

Par Laetitia Cardi,
tour de France, maillot jaune

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À quelques jours du départ du Tour de France 2024, le Tribunal de l'Union européenne confirme que marque éponyme, Tour de France, ne peut empêcher l'enregistrement de la marque « TOUR DE X ».

Quelques jours avant le départ de l’édition 2024 du Tour de France, le Tribunal de l'Union européenne (TUE), dans son Arrêt rendu en date du 12 juin 2024 (affaire T-604/22), a rejeté le recours de la Société du Tour de France qui demandait l'annulation d'une décision de la chambre de recours de l'EUIPO concernant l'enregistrement d'une marque de l'Union européenne, et a confirmé que la marque semi-figurative « TOUR DE X » pouvait être utilisée, entre autres, pour des articles de sport et des activités sportives.

 « TOUR DE X » : Un nouveau concurrent pour le Tour de France sur le terrain des marques

En mai 2017, la société allemande de fitness FitX Beteiligungs GmbH, a demandé auprès de l’EUIPO l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (marque de l’UE) pour le signe semi-figuratif en couleurs « TOUR DE X » suivant :

Cette demande désignait des produits des classes 25 et 28, notamment des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, des articles et équipements de sport, des appareils pour l'exercice physique sport, mais également des services de la classe 41 d’éducation sportive, de formation, de divertissement et d’activités sportives et culturelles.

En août 2017, la Société du Tour de France, a formé opposition à l’enregistrement de cette demande de marque pour l’ensemble des produits et services visés en invoquant les motifs du Règlement sur la marque de l’UE (RMUE) de l’Article 8(1)(b) sur le risque de confusion, mais également ceux de l’Article 8(5) sur l’atteinte à la renommée d’une marque.

Les marques antérieures invoquées par la Société du Tour de France à l’appui de cette opposition comportaient les termes « tour de France » ou « le tour de France » enregistrées pour de nombreux produits et services des classes 25, 28 et 41 liés aux vêtements, vêtements de sport et activités sportives.

Aux marques verbales « TOUR DE FRANCE » et « LE TOUR DE FRANCE », les marques semi-figuratives suivantes étaient également invoquées :

En avril 2019, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté cette opposition dans son intégralité et a accepté à l’enregistrement la demande de marque semi-figurative « TOUR DE X », au motif que l’impression d’ensemble créée par ces marques n’était pas susceptible de créer une confusion entre les signes.

L’EUIPO a considéré qu’il était peu probable que les consommateurs établissent une connexion immédiate et sans ambiguïté entre les signes comparés, étant donné qu’ils ne coïncident que par un élément non distinctif à savoir « Tour de ». Au sein de la demande contestée, l’attention du public sera attirée par la lettre « X » qui est plus la distinctive et la plus dominante visuellement.

En juillet 2022, la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé contre cette décision par la Société du Tour de France aux motifs, d’une part, qu’il n’existe pas de risque de confusion au sens de l’article 8 (1)(b) et, d’autre part, que l’usage de la marque demandée pour les produits et les services visés par cette dernière n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des droits antérieurs ou de leur porter préjudice au sens de l’article 8(5).

C’est dans ce contexte que la Société du Tour de France a formé un recours auprès du Tribunal de l'Union européenne afin d’obtenir l’annulation de la décision de la chambre de recours et le rejet de la demande d’enregistrement de la marque « TOUR DE X », arguant d'un risque de confusion avec l’expression "tour de France" ou "le tour de France" qu’elle a enregistré pour des produits et services similaires.

Un verdict clair : le « TOUR DE X » se démarque juridiquement

Le 12 juin 2024, le Tribunal a rejeté l’appel de la Société du Tour de France confirmant ainsi la décision de l’EUIPO.

Le Tribunal a conclu qu’il n’existe aucun risque de confusion, au sens de l’article 8(1)(b) du RMUE, et ni aucun lien avec les marques antérieures de renommée, au sens de l’article 8(5) du RMUE.

Selon le Tribunal, le public ne confondra pas les signes et ce, en dépit de l'identité ou similitude des produits et des services et du caractère distinctif accru par l’usage des marques de la Société du Tour de France pour les services d'organisation de compétitions cyclistes.

Il rappelle que l'élément verbal commun "tour de" possède un caractère distinctif faible ou inexistant, car c’est une expression très fréquemment utilisée pour se référer à des compétitions de cyclisme ou d’évènements similaires.

De ce fait, la reprise de ce seul élément faiblement distinctif ne conduira pas le public pertinent à établir un lien entre les marques.

Le TUE tranche : l'expression « Tour de » trop faible pour créer une confusion

A l’inverse, le Tribunal estime que la marque « TOUR DE X » possède quant à elle un caractère distinctif plus élevé de par la présence de la lettre "X".

S’agissant de la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle, le Tribunal confirme que le degré de similitude entre les marques en conflit est faible.

Le Tribunal ajoute que le caractère distinctif et la renommée que les marques antérieures ont acquis par l’usage s’appliquent aux droits antérieurs dans leur ensemble, plutôt qu’au seul élément « tour de ».

En raison du faible degré de caractère distinctif de l’élément commun « tour de » et du faible degré de similitude entre les signes, il n’existe aucun risque de confusion au sens de l’article 8(1)(b) du RMUE.

L’EUIPO et le Tribunal unis : une victoire pour la diversité des marques sportives

Enfin, le Tribunal souligne que, à supposer que la renommée des marques antérieures soit exceptionnellement élevée, l’expression descriptive « tour de », très couramment utilisée dans le cadre de compétitions cyclistes, ne présente que très peu, voire aucun caractère distinctif. Dès lors, la reprise de cette seule expression ne conduira pas le public pertinent à établir un lien entre les marques.

Ainsi, selon le Tribunal, l’usage de la marque "Tour de X" ne tirera pas indûment profit de la renommée des marques du Tour de France ou de leur caractère distinctif, et ne leur portera pas préjudice au sens de l’article 8(5) du RMUE.

Le Tribunal confirme donc que la marque "Tour de X" peut être enregistrée et utilisée, notamment pour des articles de sport et des activités sportives.

Cette décision ne vient que confirmer le fait qu'il est peu probable que des marques soient considérées comme similaires et qu’un risque de confusion soit reconnu, lorsque l'élément commun des marques présente un faible caractère distinctif.

12/06/2024, T604/22, TOUR DE X (fig.) / TOUR DE FRANCE

Laetitia Cardi, Conseil en Propriété Industrielle en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France

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