La contrefaçon de marque en Chine : vers une sanction plus dissuasive ?

By Fabienne Maucarré,

La Chine, berceau et empire de la contrefaçon, avait perdu toute crédibilité auprès de la scène internationale en matière de protection et de défense des droits de propriété intellectuelle en incitant davantage à la copie qu’à la création. Pourtant, la Chine a fourni depuis plusieurs années de réels efforts pour combattre de manière plus efficace le virus du faux et valoriser l’innovation. Découvrez dans cet article les dernières réformes significatives mises en place ainsi que des conseils en matière de protection et de défense de vos marques en Chine.

Pour ne citer qu’une statistique affolante provenant d’une évaluation de l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) et l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) établie en 2019, la commercialisation de produits de contrefaçon atteindrait 460 milliards d’euros par an soit 3,3% du commercial mondial et la Chine occupe depuis plusieurs années la haute marche du podium faisant de la France l’une de ses principales victimes...

La Chine se présente ainsi comme étant le berceau de la contrefaçon des différents droits de propriété intellectuelle dans la majorité des industries (médicaments, jouets, alimentaire, luxe…) avec les dangers que cela peut entrainer tout en faisant désormais parfois preuve d’une innovation certaine (téléphonie, électronique…).

Afin de mieux tenter de comprendre comment la Chine est devenu l’empire de la contrefaçon, il est intéressant de noter que ce pays a toujours mis en avant la culture de la copie laquelle s’exprime dans l’art de la calligraphie chinoise (à savoir l’art du « bien copier » les ancêtres) ou dans l’éducation lorsque, dès leur plus jeune âge, les enfants doivent apprendre par cœur de la poésie ou reproduire de mémoire des écrits.

Par ailleurs, l’arsenal juridique chinois visant à sanctionner la contrefaçon n’a jamais été particulièrement précoce ni suffisamment dissuasif pour inciter davantage à la création qu’à la copie.   

Si nous prenons plus particulièrement la contrefaçon de marque, il est fréquent de constater que les personnes morales et physiques chinoises ont une culture de la reproduction qu’ils affichent ouvertement.

A titre d’exemple, il n’est pas rare de relever un dépôt de marque strictement identique à une marque antérieure protégée pour de nouveaux produits / services périphériques ou totalement différents ou de pouvoir acheter une marque si connue et nouvelle à la fois :

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Si principes de territorialité et de spécialité restent applicables en droit des marques exception faite de la marque notoire et de la marque de renommée difficilement appréciée à sa juste valeur en Chine, il n’en reste pas moins que de tels agissements peuvent crisper le titulaire d’une marque dont le nom, curieusement repris avec opportunisme, aurait désormais vocation à s’exporter et/ou désigner un tout autre produit ou service.

De plus, les contrefaçons flagrantes explosent sur les plateformes en ligne du groupe Alibaba, le géant chinois du e-commerce qui a pu être accusé de laxisme en matière de lutte anti-contrefaçon notamment par son plus grand ennemi américain. Pour se défendre, Alibaba a pointé la faiblesse des sanctions comme étant à l’origine des difficultés à combattre les contrefaçons comme celle-ci par exemple ayant pu être vendue à 5 euros sur Taobao :

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Les titulaires des marques peuvent alors se sentir impuissants avec le sentiment que le système chinois cautionne bien d’une certaine manière de tels actes préjudiciables ou du moins qu’il ferme les yeux sur ces derniers.

Afin de gagner en crédibilité auprès de la scène internationale, la Chine a cependant fourni depuis plusieurs années de réels efforts pour combattre de manière plus efficace le virus du faux et inciter à l’innovation en améliorant la protection des droits de propriété intellectuelle.

La Chine a ainsi renforcé ses lois en alourdissant la sanction de la contrefaçon de marque ainsi que ses structures pour les faire appliquer via l’attribution de la compétence exclusive à des juges spécialisés afin d’éviter le prononcé de décisions contradictoires ou trop laxistes.

Dès lors, quelles sont les dernières réformes significatives en la matière et quelle condamnation par les juges ?

D’une part et s’agissant des réformes, la loi sur le commerce électronique entrée en vigueur depuis janvier 2019 oblige les opérateurs d’e-commerce à protéger les droits de propriété intellectuelle. A titre d’exemple, la loi prévoit une procédure de gestion des plaintes lors d’une violation de marque et retient la responsabilité conjointe et solidaire des opérateurs de plateformes en cas de manquement à ses obligations. Dans un rapport daté de 2019, le groupe Alibaba déclare une augmentation de plus de 50% du nombre d’annonces supprimées en réponse aux alertes des consommateurs faisant état de contrefaçons présumées. Encore plus en vogue en ces temps de confinement, le commerce en ligne chinois fait ainsi enfin l’objet d’une réglementation dissuasive même si cette loi gagnerait à être renforcée d’après les spécialistes.

Par ailleurs, la quatrième et dernière révision de la loi chinoise entrée en vigueur depuis novembre 2019 vise à lutter contre les dépôts frauduleux et sanctionne la mauvaise foi avec le rejet d’une demande de marque dans le cadre de son examen, d’une opposition ou l’annulation d’une marque enregistrée en cas d’action en nullité. Par mauvaise foi, on entend une marque qui est déposée dans un but détourné autre que celui de son usage. Ainsi les marques DAVIDOFF, LAQUIROU ou encore MAMMUT ont pu être refusées sur ce fondement offrant à des marques célèbres une protection légitime. Grâce à ces dernières évolutions, le Chinese trademark squatting devrait significativement reculer.

Enfin, le nouveau code civil qui entrera en vigueur en janvier 2021 prévoit une protection renforcée en matière de propriété intellectuelle avec l’attribution possible de dommages et intérêts punitifs en cas de violation délibérée et grave des différents droits de propriété intellectuelle. Ce durcissement de la sanction a pour but de punir plus sévèrement les contrefaçons les plus malveillantes. Cet article s’inscrit dans la lignée de la dernière réforme de la loi sur les marques prévoyant l’attribution de dommages-intérêts punitifs dont le montant peut représenter jusqu’à cinq fois (contre trois fois dans la version précédente de la loi) la perte réelle du titulaire du droit ou du gain réel du contrefacteur. Nul doute que ces réformes liées au renforcement de la sanction pécuniaire visent à établir un environnement commercial plus sain et équitable en Chine.

D’autre part, en matière de condamnations, les juges n’hésitent plus à retenir la responsabilité conjointe et solidaire pour reconnaître le délit de contrefaçon. A ce titre, la société CHANEL avait attaqué un centre commercial chinois pour des actes de contrefaçon. La cour en charge de l’affaire a jugé en 2019 que le centre commercial avait une obligation de supervision et que dans la mesure où il avait permis les activités d’un vendeur proposant dans une boutique du centre commercial des lunettes contrefaisant la marque CHANEL, il devait être tenu conjointement et solidairement responsable avec le vendeur. Quelques années avant, les sociétés LOUIS VUITTON et PRADA avaient adopté la même stratégie avec succès. Une nouvelle fois, la responsabilité partagée est une réponse efficace à la lutte contre la contrefaçon en Chine.      

Afin de mieux appréhender le marché chinois, quelques conseils peuvent être suivis en matière de protection et de défense de vos marques en cas d’intérêt dans ce pays :

  • Protéger ses marques en Chine en caractères latins et/ou chinois et réserver l’extension géographique .cn pour les noms de domaine ;
  • Surveiller ses marques via la surveillance sur les registres de marques, douanière et sur Internet notamment via notre offre complète « Online Brand Protection » et réagir aux atteintes les plus préjudiciables ;
  • Bien rédiger ses contrats avec ses partenaires commerciaux locaux ;
  • Sensibilisation des douaniers, de ses partenaires commerciaux locaux et de ses équipes locales ;
  • Adhésion à des groupements professionnels comme l’UNIFAB (Union des fabricants pour la lutte contre la contrefaçon).

En cas de litige, il est par ailleurs essentiel de remonter à la source de la contrefaçon afin de tenter d’enrayer totalement cette dernière et limiter sa propagation.

Ainsi, toute contrefaçon démasquée en Chine sera mise à mal ici et ailleurs…

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à nous envoyer un mail à tm.fr@novagraaf.com.

Fabienne Maucarré, Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France

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