« Mieux vaut prévenir que guérir » : l’importance des clauses de propriété intellectuelle dans l’emploi du stagiaire-inventeur

Selon un récent classement de l’OEB, la France représente le second pays le plus innovant en Europe et le 5e pays ayant déposé le plus de demandes de brevet au monde[1]. En 2020, les entreprises et instituts de recherche français ont déposé autour de 10 544 brevets, soit 3,1% de plus que l’année précédente. Au vu de cette croissance du nombre de dépôts de brevets, il semble pertinent de faire un point sur l’importance du contrat dans la relation inventeur-entreprise et plus particulièrement au regard de l’exception du stagiaire inventeur.

À qui appartient l’invention d’un stagiaire ?

Le principe affirmé à l’article L611-6 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) dispose que le droit au titre de propriété industrielle protégeant une invention appartient à l’inventeur ou à son ayant-cause. Comme souvent, la loi est venue nuancer ce principe en admettant des exceptions concernant les inventions des salariés et des agents publics[2] faites dans le cadre de leur profession. Qu’en est-il des stagiaires qui au cours des missions effectuées dans une entreprise ou un institut de recherche, sont à l’origine d’une invention ?

La Cour de Cassation a tranché sur ce point en 2006[3], considérant que l’invention réalisée par un stagiaire lui revenait. Au regard de cette décision, le stagiaire ne peut être considéré ni comme un salarié ni comme agent public. L’étudiant stagiaire ne rentrant pas dans le champ d’application de l’article L611-7 du CPI encadrant l’invention d’un salarié.

Quelques points sont à noter dans cette affaire. Tout d’abord, aucune convention de stage n’était signée entre les parties au moment de l’emploi du stagiaire, seul un règlement intérieur avait été signé par l’étudiant postérieurement à la réalisation de l’invention. Une partie de ce règlement relative aux obligations des stagiaires stipulait que le CNRS serait propriétaire des brevets correspondant aux innovations faites par les stagiaires et les étudiants. Ensuite, le Conseil d’État s’est prononcé en 2010, rejetant l’opposabilité de ce règlement en ce que le directeur du CNRS « ne tenait d'aucun texte, ni d'aucun principe, le pouvoir d'édicter une telle règle »[4]. Les stagiaires sont donc susceptibles de revendiquer la propriété intellectuelle des inventions qu’ils réalisent au cours de leur stage.

Les clauses de propriété intellectuelles conciliant entreprise et spécificité du statut de stagiaire.

Une telle décision permet de faire ressortir l’importance de la mise en place d’un contrat et de clauses de propriété intellectuelle dans l’encadrement des inventeurs non-salariés. Le contrat, défini comme accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes est destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations[5]. La rédaction de clauses de propriété intellectuelles dans une convention de stage permet de concilier les intérêts des parties et de leur éviter des conflits et des situations particulièrement coûteuses.

La rédaction de ces clauses devant respecter nombre de conditions et notamment une contrepartie de la cession des droits par le stagiaire à son entreprise, n’hésitez pas à faire appel à un Conseil en Propriété Intellectuelle (CPI) pour vous aider dans l’établissement de ces actes.

Plusieurs recommandations afin de permettre à une entreprise de se réserver la propriété des droits intellectuels des travaux réalisés par un stagiaire.

Tout d’abord, des clauses de confidentialité doivent être inclues en amont dans la convention de stage. Ces clauses ont pour but de protéger les informations, savoir-faire et connaissances qui appartiennent à l’entreprise. De plus, selon une décision de la Cour de Cassation du 19 mars 2008 l’obligation de confidentialité qu’elles créent persiste malgré la rupture du contrat[6]. En second lieu, un contrat de promesse de vente peut être signé entre les parties. Ce contrat doit définir les missions du stagiaire, promettre la cession des résultats et inventions découlant de ces missions à l’entreprise et inclure un prix.[7] Par ce contrat, le stagiaire s’engage à céder ses droits dès réalisation d’une invention.

Ensuite, l’entreprise peut bénéficier des dispositions légales relatives au secret des affaires, de 2018. Cette législation permet de protéger une information sous certaines conditions, notamment si elle n’est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité, si elle revêt une « valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret » et si elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protections raisonnables pour en conserver le caractère secret[8].

Enfin, dans l’hypothèse où le stagiaire a réalisé une invention, un contrat de cession doit être signé à la fin du stage. Cet acte permet d’assurer la cession pleine et entière des droits de propriété intellectuelle concernant le brevet[9]. Pour cela le contrat de cession doit expliciter la ou les créations du stagiaire et doit inclure un prix réel et sérieux[10].

Pour en savoir plus sur l’importance et la rédaction de telles clauses, contactez notre département Contrat & Inscriptions à l’adresse suivante : Inscriptions@novagraaf.com.

Clara Saurat, Consultante Juriste, Novagraaf, France

[1] Office Européen des brevets, « brevets européens : la santé, principal moteur de l’innovation en 2020 », Communiqué de Presse du 13 mars 2021[1] Code de la Propriété Intellectuelle, Art. L611-7
[2] Cass. Com. 25 avril 2006, n°04-19.482
[3] CE 22 févr. 2010, Centre national de la recherche scientifique, n° 320319
[4] Code Civil, Art. 1101
[5] Cass. Soc. 19 mars 2008, n°06-45322
[6] Code Civil, Art. 1589
[7] Loi n°2018-670 du 30 juillet 2018, Art. L151-1
[8] Code de Propriété intellectuelle, Art. L613-8
[9] Code Civil, Art. 1169

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