La recherche d’antériorités en matière de marques : intérêt et aspects pratiques

Dans quelle mesure le lancement d’une recherche d’antériorités est-t-il un préalable nécessaire au dépôt d’une marque et à son usage sur le marché ? De quoi prémunit réellement ce type de prestation et comment déterminer son périmètre ?

A l’inverse des critères de distinctivité et de représentation graphique qui sont, le plus souvent, examinés et sanctionnés par les offices de marques, l’exigence de disponibilité est, à de rares exceptions près, laissée à la responsabilité du déposant. C’est à lui de vérifier dans les registres des pays d’intérêt si le signe qu’il entend déposer et exploiter comme marque est « disponible ».

Cette tâche dont l’énoncé évoque, à l’âge des moteurs de recherche, une simple formalité effectuée en ligne le temps d’un expresso, est en réalité bien plus ardue qu’elle n’y parait en ce qu’elle touche à des problématiques diverses et contient une part de subjectivité, écueil que tentera d’éviter un bon professionnel des marques.

Est t’il toujours nécessaire d’effectuer une recherche d’antériorités ?

Comme indiqué plus haut, un déposant ne doit pas, en Europe du moins, compter sur les offices de propriété industrielle pour pointer du doigt de possibles marques antérieures pouvant représenter une menace au nouveau dépôt.

Les offices percevront les taxes et publieront le dépôt malheureux AMAZONE, NYKE où TIKTAUK qui sera rapidement l’objet d’opposition(s) de la part de titulaires estimant disposer de droits identiques ou similaires et qui ont été alertés grâce à un service de surveillance.

Ainsi, un déposant voulant protéger une nouvelle marque a tout intérêt à effectuer cette vérification afin de se prémunir des contestations possibles de son dépôt et la perte des dépenses engagées.

Un déposant ne doit pas perdre de vue l’autre menace, outre la contestation administrative de sa marque, que représente une action en contrefaçon ou une action en cessation d’usage visant à faire retirer les produits et services vendus sous le signe contesté et /ou à obtenir des dommages et intérêts. En effet, de telles actions ont des enjeux bien plus importants que le fait de ne pas parvenir à l’enregistrement de sa marque en ce qu’elles peuvent aboutir au retrait forcé de produits ainsi qu’au paiement de sommes possiblement importantes.

Certains acteurs économiques qui exploitent un nom ou un logo de longue date et qui désirent, après plusieurs mois ou années, le protéger par un dépôt envisagent de se passer des dépenses inhérentes à une recherche. Ils réalisent donc le dépôt directement en faisant fi des possibles contestations fondées sur des antériorités en considérant l’usage paisible réalisé jusqu’alors comme un oracle de la non contestation de leur dépôt.

Cette stratégie peut parfois être couronnée de succès mais elle élude le fait que la publication d’une nouvelle marque va nécessairement alerter (encore via un service de surveillance) les possibles titulaires de droits antérieurs, qui n’avaient pas encore eu connaissance de l’usage, et qui pourront dès lors contester à la fois le dépôt et l’exploitation du signe concerné dans les affaires.

Quel type de recherches choisir ?

La galaxie des recherches est vaste. Même si chaque cabinet dispose de sa propre offre, ces prestations, peuvent globalement être scindées en deux types :

  • Les recherches « à l’identique » : elles permettent de détecter les marques identiques au signe souhaité voire, dans certains cas, les marques très proches. Elles permettent donc d’identifier les obstacles les plus objectifs et évidents au projet souhaité. Elles peuvent parfois suffire ou constituer un premier « déblaiement » visant à déterminer s’il est pertinent d’aller plus loin dans le projet ou s’il est voué à l’échec. Bien entendu, ce type de prestation est le moins onéreux et permet, pour les clients disposant d’un budget limité, de disposer d’une certaine visibilité, même si la « zone grise » reste conséquente.
     
  • Les recherches « approfondies » : ce sont des prestations plus fines qui permettent d’identifier des antériorités n’étant pas forcément extrêmement proches du signe souhaité mais qui n’en demeurent pas moins des obstacles possibles. Ces prestations permettent notamment de détecter les ressemblances conceptuelles et les traductions dans d’autres langues.

L’arbitrage entre ces deux prestations devra se faire en tenant compte notamment du type du signe dont la protection est souhaité, du budget du déposant mais aussi du domaine d’activité (une action en contrefaçon étant par nature plus à craindre si l’activité du déposant implique la commercialisation de produits par opposition à des services dont le nom peut être plus facilement changé).

Quel périmètre ?

Le conseil et son client devront également déterminer l’étendue de la recherche du point de vue du territoire, des classes et de la nature des antériorités :

  • Le territoire : le choix sera celui du ou des pays où sera déposée la marque et où seront commercialisés les produits et/ou services du déposant. Cette solution, évidente en apparence, exige que le déposant puisse se projeter à moyen, voire long terme, en essayant de déterminer quels pays seront concernés par son activité dans le futur. En effet, une recherche et un dépôt a minima (uniquement dans le pays de résidence du déposant par exemple) pourrait laisser le champ libre à des tiers (de bonne ou mauvaise foi) pouvant déposer une marque identique ou proche et bloquant ainsi possiblement l’accès à un marché voisin à l’avenir.
     
  • Les classes : ce domaine n’échappe pas à la lapalissade selon laquelle il convient de choisir les classes dans lesquelles se trouvent les produits/services du déposant. Ici encore, méfions nous de l’évidence. En effet, il est recommandé d’inclure également dans la recherche les classes dans lesquelles se trouvent des produits/services similaires à ceux d’intérêt. Ainsi, à titre d’exemple, une marque déposée pour des « vêtements » en classe 25 constituera une menace à une marque identique déposée en classe 18 pour des « produits de maroquinerie » compte tenu du caractère complémentaire de ces produits et du fait qu’ils soient souvent distribués par les mêmes détaillants. Il convient toutefois de garder la tête froide : il serait illusoire, et extrêmement couteux d’anticiper toutes les similarités existant entre les produits/services d’intérêt et l’ensemble de la classification de Nice.

    En outre, de la même façon que pour le territoire, il conviendra de se projeter dans le temps afin d’anticiper une possible extension de la gamme de produits à des articles se trouvant dans d’autres classes.
     

  • La nature des antériorités : les marques antérieures ne sont pas les seules menaces pesant sur les nouveaux dépôts et leur exploitation. En effet, les noms commerciaux, noms de domaine, voire, dans certains pays, les dénominations sociales ou un signe simplement utilisé dans les affaires peuvent également être la base d’actions susceptibles de mettre un frein à un projet de nom. Une recherche visant à sécuriser le plus possible le choix d’un nom ou d’un logo, s’attachera à tenir compte de ces autres droits antérieurs.

Sur quel signe ?

Dans certaines situations, le signe objet de la recherche peut se distinguer de la marque que le client souhaite déposer. C’est notamment le cas lorsque :

  • Le signe est composé d’éléments distinctifs et descriptifs :  il peut être alors parfois plus pertinent de centrer la recherche sur l’élément distinctif afin d’éviter une « pollution » des résultats par des antériorités ne représentant pas réellement une menace au projet.
     
  • Le signe combine des éléments verbaux et graphiques : il s’agit des marques semi-figuratives. Dans certains cas, en fonction des éléments, de leur distinctivité/originalité, il peut être conseillé de centrer l’étude sur un élément verbal ou figuratif voire même, de lancer plusieurs recherches.

Les résultats

Sauf si la marque souhaitée est un néologisme constitué uniquement de consonnes, digne d’un usage pour des meubles suédois, il est à craindre que la recherche identifie des menaces au projet.

Le conseil issu de l’analyse des résultats devra, idéalement, être un subtil panaché de deux réflexions :

(i) quels sont les risques objectifs représentés par chacune des antériorités détectées ? En d’autres termes, si le titulaire de telle ou telle marque réagit contre celle du client, quels sont ses chances de succès.

(ii) quelles sont les probabilités que le titulaire de chacune des antériorités réagisse ?

La première réflexion se basera sur des critères tangibles issus notamment de la jurisprudence concernant l’appréciation du risque de confusion.

La seconde fera davantage appel à l’expérience et au « gut feeling » du conseil et de son client. Néanmoins, chaque professionnel des marques sait que le danger ne vient pas forcément de là ou on l’attend le plus…

Le conseil final

Entre le feu vert absolu et le rouge du « no-go », la palette des recommandations possibles est large.

Il est parfois possible de surmonter une à une les antériorités détectées en utilisant les moyens suivants :

  • adaptation du signe souhaité afin de se démarquer du danger identifié
  • rachat de la marque antérieure
  • accord de coexistence
  • lettre de consentement
  • contestation de la marque antérieure sur la base d’un défaut d’usage

Ces techniques peuvent s’avérer efficaces et suffisantes lorsque le nombre de menaces potentielles se compte sur les doigts d’une main et quand le déposant dispose du temps nécessaire pour cette mise à disposition.

Dans le cas contraire, il faudra se résoudre à prendre un risque en croyant à sa bonne étoile ou, au contraire, à changer radicalement son fusil d’épaule en choisissant une autre marque.

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Gabriel Perez, Conseil en Propriété Industrielle en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, Belgique.

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