Ghibli effect & Propriété Intellectuelle

By Gaëlle Andrieu,
ghibli effect et propriete intellectuelle

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La multiplication de la diffusion sur tous les réseaux sociaux de dessins générés par l’intelligence artificielle reprenant le style du célèbre studio japonais Ghibli ne vous aura sans doute pas échappée. Cette nouvelle tendance soulève toutefois quelques interrogations notamment d’ordre juridique et éthique.  

Nous étudierons les suivantes : « Les images générées par l’intelligence artificielle reprenant un style artistique connu constituent-elles des contrefaçons des droits d’auteur ? L’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur dans le cadre de l’entrainement des intelligences artificielles génératives est-elle licite ? » 

I. Le style artistique : entre inspiration et contrefaçon 

La protection du style par le droit d’auteur ? 

Pour être protégée par le droit d’auteur une œuvre doit être :  

  • originale, c’est-à-dire qu’elle doit refléter l’expression de la personnalité de son auteur, 
  • et matérialisée sur un support tangible.  

Ainsi, les styles artistiques qui s’apparentent à des idées ne sont, en tant que tels, pas protégés par le droit d’auteur. Seules les créations originales et concrètes, tels que le sont notamment les films d’animation du studio Ghibli, sont protégées.  

Les idées, méthodes ou concepts ne bénéficient pas d’une protection par le droit d’auteur, mais leur expression originale et concrète oui. 

En conséquence, créer une image inspirée du style du studio d’animation Ghibli, sans reproduire d’éléments effectivement présents au sein des œuvres protégés par le droit d’auteur, n’est pas illégal en soi.  

Toutefois, si l’image générée grâce à l’intelligence artificielle reprend des éléments reconnaissables d’une œuvre existante, comme un personnage, une scène spécifique, ou des décors, elle peut constituer une atteinte au droit d’auteur et une contrefaçon pourrait donc être caractérisée. 

En outre, lorsque ces images générées par l’intelligence artificielles sont utilisées à des fins commerciales et/ ou diffusées largement, le public risque d’être induit en erreur sur la provenance de ces images. De plus, cette utilisation profitera de façon indue de la notoriété et des efforts créatifs de l’auteur. Par conséquent, une telle exploitation pourrait être constitutive d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale.  

La frontière entre inspiration et contrefaçon 

La contrefaçon peut résulter d’une violation d’une ou plusieurs prérogatives conférées par le droit d’auteur. Ainsi, est notamment interdit la reproduction d’une œuvre sans l’autorisation de son auteur.  

La contrefaçon sera alors appréciée en fonction des ressemblances existantes entre les œuvres en présence : l’œuvre originale et l’œuvre seconde.  

Pour qu’il y ait contrefaçon, il doit exister une similitude substantielle entre les œuvres en question. Cette similitude est appréciée en fonction des éléments originaux de l’œuvre première. Si les ressemblances portent sur des aspects non protégés (comme des idées ou des thèmes généraux), elles ne suffiront pas à caractériser une contrefaçon. 

Par conséquent, pour démontrer l’existence d’une contrefaçon dans le cadre des images générées par l’intelligence artificielle et reprenant le style du célèbre studio Ghibli, il sera nécessaire d’étudier chaque image isolément, au cas par cas, et de les comparer aux œuvres existantes afin de savoir si ces dernières reprennent ou non des éléments identifiables des œuvres protégées.  

Si l’œuvre générée par l’IA reproduit des éléments originaux de manière suffisamment ressemblante, la contrefaçon pourrait alors être reconnue.  

S’inspirer d’un style artistique préexistant ne constitue donc pas une contrefaçon en soit, tant qu’aucun élément original appartenant à l’œuvre protégée n’est pas repris de façon identifiable au sein de la création seconde.  

Si l’image générée par l’IA ne constitue pas forcément une contrefaçon des droits d’auteur par la simple reprise d’un style artistique, l’utilisation des œuvres protégées au stade de l’entrainement des IA génératives soulèvent elle aussi des questions de légitimité.  

II. Les bases de données d'entraînement des IA génératives : une zone grise juridique 

L’utilisation de données protégées par des droits de propriété intellectuelle sans le consentement de leurs titulaires 

La création d’image inspirées de styles artistiques existant pose également la question de la protection des données grâce auxquelles les IA sont entrainées.  

En effet, pour être capables de reproduire des images reprenant aussi fidèlement le style du studio Ghibli, les intelligences artificielles génératives ont dû être confrontées à un très grand nombre d’image de ce style et notamment des images tirées des œuvres protégées tel que les films d’animation Ghibli.  

Or, la collecte de données et d’œuvres protégées réalisée sans le consentement de leur auteur et à leur insu pourrait constituer une exploitation illicite et donc une atteinte au droit d’auteur qui pourrait être sanctionnée par la contrefaçon, même si les images générées ne reproduisent pas directement ces œuvres.  

L’exception de fouille de textes et de données 

Cependant, il existe une exception en droit d’auteur qui permet la fouille de textes et de données à des fins d’entrainement. 

Par conséquent, sauf si les auteurs ont explicitement exercé leur droit d’opt-out, c’est-à-dire qu’ils ont indiqué clairement qu’ils n’autorisaient pas l’utilisation de leurs œuvres dans le cadre de la fouille de données, l’exploitation de ces dernières pour entrainer les IA génératives pourrait être considéré comme légale.  

Par ailleurs, la législation européenne sur l'intelligence artificielle (AI Act) impose désormais une obligation de transparence concernant les données utilisées pour l'entraînement des IA. Ainsi, les auteurs et créateurs pourront vérifier si leurs œuvres ont été exploitée ou non par les IA. 

Conclusion 

Si les styles artistiques ne sont pas protégés par le droit d’auteur en tant que tel, le « Ghibli Effect » démontre toutefois l’importance de prévoir un cadre juridique clair pour encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle afin de préserver d’une part les droits de propriété intellectuelle et d’autre part la liberté d’expression et l’innovation technologique.  

Gaëlle Andrieu, Juriste en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France 

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