Charge de la preuve en opposition et importance de la démonstration des effets allégués


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Une décision récente de l’Office Européen des Brevets (OEB, T 0449/23) vient rappeler les règles de la charge de la preuve dans une procédure d’opposition sur un brevet européen. Cette décision se révèle d’autant plus intéressante qu’elle contient au passage une mise en garde sur le danger potentiel de s’appuyer sur des effets techniques que l’on annonce dans le texte du brevet sans les démontrer ou sans que l’on soit en mesure de les démontrer.
Sur la charge de la preuve
Le titulaire du brevet a fait valoir que la charge de la preuve incombait à l'opposant, qui devait démontrer que les effets techniques allégués n'étaient pas présents.
La chambre de recours est en désaccord avec cette affirmation et le détaille dans sa décision.
Elle rappelle notamment que la charge de la preuve est le devoir d'une partie de persuader l'organe de décision des allégations de faits sur lesquelles repose sa cause. En principe, la charge légale de la preuve ne se déplace pas (il existe néanmoins des exceptions, qui ne seront pas développées ici).
Dans les procédures d'opposition et de recours sur opposition de brevet devant l’OEB, chacune des parties supporte la charge légale de la preuve pour les allégations de faits sur lesquelles repose leur argumentation de fond respective.
En ce qui concerne un prétendu manque d'activité inventive, il incombe à l'opposant de présenter un état de la technique approprié qui persuade la division d'opposition ou la chambre de l'évidence de la solution apportée par l'objet revendiqué.
En revanche, si le titulaire du brevet affirme que, par rapport à l'état de la technique, il existe un avantage ou un effet donnant lieu à une formulation plus ambitieuse du problème technique objectif que celle présentée par l'opposant et donc à une activité inventive, il lui incombe de prouver cet avantage ou cet effet au niveau de preuve requis.
Sur les effets allégués avancés dans le brevet
Au vu de l'évaluation des preuves disponibles et des conclusions sur la répartition de la charge de la preuve, le problème technique objectif sous-jacent à l'objet de la revendication 1 qui a été retenu par la chambre est celui formulé par l'opposante, à savoir la fourniture d'une méthode alternative pour la formation d'une composition de revêtement par électrodéposition.
La chambre se range derrière les raisons fournies par l'opposant. En effet, malgré les déclarations disponibles dans le brevet, il n'y a aucune preuve que les problèmes identifiés se produisent dans l’art antérieur, et même s'ils se produisaient, il n'y a aucune preuve qu'ils seraient résolus par la méthode revendiquée.
La chambre partage l'avis de l'opposante selon lequel, en l'absence de toute preuve, les déclarations de la titulaire se résument à des considérations théoriques qui ne sont pas suffisantes pour rendre crédibles les effets allégués.
La titulaire du brevet qui a fait valoir que les effets techniques des caractéristiques distinctives étaient l'amélioration de l'uniformité de la couleur et des propriétés d'apparence, ainsi qu'une excellente prévention de la rouille sur les bords n’a donc pas réussi à prouver que cet avantage ou que cet effet se produit au niveau de preuve requis. La titulaire se basait sur des exemples notamment.
L’opposante a contesté cette approche arguant que qu’il n’a pas été démontré que l’effet technique provient des caractéristiques distinctives par rapport à la revendication 1, plutôt que d'autres facteurs. Par conséquent, tout effet allégué découlant de cette comparaison ne peut être pris en considération.
La chambre de recours rappelle que la simple affirmation d'un avantage ou d'un effet dans le fascicule du brevet ne peut être considérée comme une preuve de cette affirmation.
Cette décision rappelle donc l’importance du choix des exemples que l’on décide d’inclure ou non dans une demande de brevet. Les exemples ne peuvent pas être invoqués automatiquement pour justifier n’importe quel effet technique que l’on aurait listé dans la demande de brevet.
De la même manière, il faut être prudent lorsque l’on avance un effet technique ou un avantage particulier, car s’il n’est pas possible de le démontrer, il peut tout à fait ne pas être pris en considération.
Adrien Metivet, Conseil en Propriété Industrielle – Brevets, Novagraaf