Pas d’équivoque sur l’évocation de l’AOP Champagne

Le 17 avril dernier, la Chambre de recours de l’EUIPO a refusé à l’enregistrement la demande de marque de l’Union européenne « Champagnola » en se fondant sur l’évocation de l’appellation Champagne. Cette décision apporte des précisions importantes sur la notion d’évocation d’une indication de provenance, permettant de refuser à l’enregistrement une demande de marque ultérieure qui exploite sa réputation, quand bien même il s’agirait de produits ou services non similaires.

En 2017, une entreprise tchèque a procédé à la demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne « Champagnola » pour désigner des produits et services en classes 30, 40 et 43. Alors que la classe 43 (services de restauration) a été refusée à l’enregistrement, la demande de marque a été publiée pour les classes 30 et 40.

Suite à cette publication, le CIVC (Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne) s’est opposé à l’enregistrement de la marque « Champagnola » en se fondant sur l’AOP antérieure Champagne et la forte réputation de celle-ci. Toutefois, dans une décision du 5 août 2019, l’EUIPO rejette l’opposition au motif que les produits et services désignés par la demande d’enregistrement contestée ne sont pas similaires au vin de Champagne. En outre, l’Office européen estime qu’il n’y a ni usage commercial ni évocation. Dès lors, il n’existerait pas de risque de confusion. À la suite de cette décision, le CIVC forme un recours auprès de la Chambre de recours de l’EUIPO.

Comme le rappelle la Chambre de recours, la fonction essentielle d’une indication de provenance est de protéger l’origine géographique, et particulièrement l’usage de la dénomination géographique pour des produits qui ne proviennent pas de cette zone.

L’article 8(6) du RMUE lu en combinaison avec les articles 102 et 103 du Règlement n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles prévoit que le titulaire d’une AOP réputée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque ultérieure dans les conditions de l’article 103(2)(a)(ii) du Règlement n° 1308/2013 :

« Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre :

  1. toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée:
  1. pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée; ou
  2. dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique. »

Au regard de cet article, dès lors que les produits et services visés ne sont pas similaires, il convient donc de prouver la réputation de l’AOP Champagne. À ce titre, la Chambre de recours examine trois conditions dans sa décision : l’évocation, la réputation de l’indication de provenance et l’exploitation de la réputation.

En l’espèce, la réputation de l’AOP Champagne n’appelait pas de difficulté particulière, en ce qu’il s’agit de l’une des AOP viticoles les plus réputées en Europe. Toutefois, la Chambre de recours apporte des précisions importantes concernant les deux autres conditions.

  • L’évocation :

L’évocation peut être retenue lorsque le terme utilisé pour désigner un produit intègre une partie d'une désignation protégée, de sorte que lorsque le consommateur est confronté au nom du produit, l'image suscitée dans son esprit est celle du produit dont la désignation est protégée. Or, dans la décision d’opposition, l’Office lie la notion d’évocation avec la comparaison des produits et services. Pourtant, l’évocation d’une indication géographique s’applique que les produits et services soient comparables ou non.

Sur ce point, la Chambre de recours considère que le signe « Champagnola » est une évocation certaine du terme Champagne.

  • L’exploitation de la réputation :

L’EUIPO rappelle que dans le cas d’une opposition fondée sur une AOP bénéficiant d’une certaine réputation, l’exploitation de la réputation n'exige pas un usage effectif préalable du signe contesté par le demandeur de la demande de marque la plus récente.

En effet, le titulaire du droit antérieur – l’AOP Champagne en l’espèce – doit démontrer non pas un préjudice réel et actuel mais la preuve d’un risque futur qui n’est pas simplement hypothétique, au regard de la pratique habituelle dans le secteur commercial concerné.

Or, comme le souligne l’EUIPO, le champagne est un produit qui peut être consommé au petit-déjeuner. La demande d’enregistrement visant des produits et services liés au petit déjeuner (nourriture et services de boulangerie), le consommateur pourra penser qu’il existe un lien entre ces produits et le vin de Champagne.

Bien que les produits et services désignés ne sont pas considérés comme similaires au vin de Champagne, la Chambre de recours estime que le signe « Champagnola » exploite la renommée de l’AOP Champagne.

En conclusion, la Chambre de recours de l’EUIPO annule la décision d’opposition et refuse à l’enregistrement la demande de marque « Champagnola » en classes 30 et 40. Cette décision se rapproche de celle rendue par le Directeur de l’INPI dans l’affaire « LEVAIN DE CHAMPAGNE » (voir notre article https://www.novagraaf.com/fr/vision/levain-de-champagne-face-la-notoriete-du-vin-de-champagne).

Cette décision apporte des précisions importantes sur la notion d’évocation, centrale en matière de défense d’une indication de provenance. Enfin, il s’agit d’une décision favorable supplémentaire dans la protection de l’appellation Champagne, préservant dès lors sa réputation, même à l’égard de produits ou services qui ne seraient pas similaires au vin de Champagne.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à envoyer un mail à notre équipe spécialisée en droit des vins et spiritueux agence-bordeaux@novagraaf.com.

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