PI et rôle de l’inventeur : faire le lien entre innovation et propriété intellectuelle


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Les droits de propriété intellectuelle jouent un rôle essentiel pour aider les inventeurs à protéger et défendre le nom de leurs produits ou services (marques), l’aspect esthétique de leurs créations (dessins et modèles) ainsi que les innovations techniques elles-mêmes (brevets). Dans ce court guide, Matthieu Boulard explore plus particulièrement l’intersection entre les droits de PI et le processus d’invention.
Toute personne ayant une idée est-elle un inventeur ? Pour répondre à cette question, il est d'abord nécessaire de définir ce que sont une "invention" et un "inventeur" d’un point de vue de la propriété intellectuelle, car ces termes renvoient à un concept juridique.
La notion juridique d’invention et d’inventeur
La définition juridique d’une invention et de son inventeur est essentielle en matière de propriété intellectuelle. Elle confère un ensemble de droits et d’obligations, qui peuvent être perdus en cas d’erreur dans le registre des brevets.
Qu’est-ce qu’une invention ?
Une invention est une solution technique à un problème technique :
- qui est nouvelle,
- qui implique une activité inventive et
- qui est susceptible d'application industrielle.
L’acte d’inventer consiste à résoudre un problème en transformant une idée non évidente en réalisation.
Bien que le point de départ soit la naissance d’une idée, l’élément déterminant est la mise en œuvre technique de cette idée pour générer une réalisation, qu’il s’agisse d’un produit (entité physique) ou d’un procédé.
Cette réalisation est considérée comme aboutit lorsqu’elle est apte à être testée et utilisée pour résoudre un problème. Ce qui signifie qu’une invention est achevée et opérationnelle que si l’inventeur est en mesure de divulguer les principes permettant à une personne extérieure de construire, reproduire ou d’utiliser sa découverte sans recherches ni expérimentations approfondies, c’est-à-dire lorsqu’une solution à un problème peut être fournie.
La suggestion d’une idée quant au résultat à accomplir sans offrir de solutions pour sa mise en œuvre n’est pas une invention, par exemple une machine à remonter le temps. En termes simples, vous ne pouvez pas « breveter une idée ».
Qu’est-ce qu’un inventeur ?
Un inventeur est une personne physique qui a contribué à un élément essentiel de l’invention ayant abouti à son élaboration, telle qu’elle est revendiquée.
Cette définition peut inclure, ou non, les collaborateurs qui ont mis en œuvre la matérialisation de l’invention.
Un inventeur peut rechercher des informations et solliciter les compétences d’autres hommes du métier, sans perdre son statut de seul inventeur. Comme dit précédemment un individu ne peut être considéré comme co-inventeur s’il se contente de suggérer une idée quant au résultat à accomplir sans offrir les solutions pour y parvenir. Il en est de même pour un individu exécutant simplement des expérimentations sans apporter de contribution réelle.
Même si un individu peut avoir suggéré des modifications ou des mises au point à apporter à l’invention, si ces modifications ou mises au point présentent un caractère évident pour une personne du métier du domaine considéré, l’invention est alors le fruit du travail du seul inventeur initial.
Quel est le Rôle d’un inventeur ?
En général, les inventeurs sont impliqués tout au long du cycle de vie de l’invention, notamment dans les étapes suivantes :
- les étude de brevetabilité qui permettent de déterminer s’il est opportun de déposer une demande de brevet en évaluant les chances de délivrance du brevet ;
- la rédaction d’une demande de brevet ;
- la procédure de délivrance ;
- les litiges tels que qu’une action en contrefaçon du titulaire envers un tiers ou une action en nullité d’un tiers envers le brevet ; et
- les études de liberté d’exploitation qui permettent de déterminer pour un territoire précis (par exemple la France) si une invention peut être exploitée sans enfreindre des droits de brevets antérieurs détenus par des concurrents.
L’inventeur permet, au cours du processus de rédaction, de confirmer le jeu de revendications, c’est-à-dire la portée de la protection recherchée avec la demande de brevet. Cela permet de ne pas couvrir des modes de réalisation qui ne fonctionnent pas ni d’omettre un élément essentiel de l’invention.
L’inventeur aide aussi à la rédaction du texte en lui-même, en ce qu’il vérifie toutes les informations relatives à la mise en œuvre de l’invention, les définitions et l’exactitude des résultats expérimentaux.
- Procédure de délivrance
Au cours du processus pour obtenir un brevet, les offices émettent un rapport de recherche et des notifications afin de vérifier que la demande de brevet concerne bien une invention brevetable au sens de la propriété intellectuelle (comme vu précédemment : nouveauté, activité inventive et application industrielle).
L’inventeur peut ainsi être sollicité pour aider à la compréhension d’un document de l’art antérieur ou pour fournir une explication plus détaillée d’un point technique ou des données complémentaires afin que l’Examinateur ait une meilleure compréhension de l’invention.
- Délivrance du brevet
Une fois qu’un brevet est obtenu, il offre le droit à son titulaire d’interdire à un tiers de commercialiser l’invention protégée.
L’application de ce droit peut faire l’objet d’un litige, tel qu’une action en contrefaçon du titulaire envers un tiers ou une action en nullité d’un tiers envers le brevet.
L’inventeur peut être une nouvelle fois sollicité pour aider à vérifier la pertinence des arguments de la partie adverse ou pour fournir des données complémentaires. L’objectif étant de permettre au titulaire de maintenir son brevet en vigueur et/ou d’avoir tous les éléments pour faire appliquer ses droits.
- Etude de liberté d’exploitation
Il s’agit d’une étude approfondie sur un territoire précis (par exemple la France) réalisée pour déterminer si une solution peut être exploitée sans enfreindre les droits de brevets qui seraient détenus par des tiers.
Pour la réalisation d’une telle étude, une recherche sur des bases de données publiques et professionnelles est aussi réalisée et les brevets ou demandes de brevet proches de la solution à déployer sont analysés.
L’inventeur, du fait de son expertise dans le domaine technique, aide à bien comprendre ces documents brevets et à les comparer avec la solution à déployer. Dans le domaine de la chimie ou de la biologie notamment, l’inventeur peut être amené à réaliser des mesures complémentaires. Par exemple, un brevet tiers peut couvrir une crème définie par le mélange de trois produits A, B et C et par sa viscosité. Si la solution à exploiter consiste en une crème comprenant A, B et C, il convient alors de vérifier si cette crème a aussi une viscosité telle que celle définie dans le brevet tiers. Ainsi, l’inventeur devra parfois effectuer de nouvelles mesures.
Droits et obligations de l’inventeur
Les droits de propriété intellectuelle sont de nature territoriale, ce qui signifie que les droits et obligations applicables aux inventeurs varient selon les juridictions, en fonction du pays dans lequel la PI est déposée.
C’est pourquoi il est recommandé de faire appel à un Conseil en propriété industrielle qualifié dans votre juridiction, afin d’obtenir un accompagnement précis sur les points généraux abordés ci-dessous.
Droits d’un inventeur
Les inventeurs disposent de droits spécifiques, qui dépendent du droit applicable. En France, cela peut inclure :
- Droit d’information : c’est à dire le droit d’être informé de tout dépôt d’une demande de titre de propriété intellectuelle ou de toute délivrance d’un titre de propriété intellectuelle.
- Droit de renoncer à la désignation d’inventeur : c'est-à-dire le droit de s'opposer à la publication de son nom sur la demande de brevet et/ou sur le brevet. La demande de brevet étant publiée 18 mois après sa date de dépôt, il faut anticiper le retrait de la désignation autant que possible. Ce droit vise à préserver les inventeurs qui ne souhaiteraient pas être publiquement associés à l’invention.
- Droit à rémunération : la législation française prévoit une rémunération supplémentaire dans le cadre des inventions de missions et le paiement d’un juste prix lorsque l’employeur se fait attribuer une invention hors mission attribuable.
Attention tout de même puisque la législation française fixe un délai de prescription pour le paiement d’une telle rémunération. Le calcul de ce délai prenant en compte les informations disponibles pour estimer ladite rémunération, le calcul se fait donc au cas par cas. Ainsi, il est recommandé de consulter rapidement un Conseil en propriété industrielle en cas de doute sur ce sujet.
Obligations d’un inventeur
Les employés ont des obligations spécifiques, en fonction du cadre juridique de leur juridiction ou des termes contractuels. Cela peut inclure :
- Déclaration d’invention : Le salarié doit informer, immédiatement, l’employeur en lui communiquant les informations suffisantes pour lui permettre d’apprécier l’invention et de la classer dans l’une des trois catégories d’invention que nous venons de présenter.
- Participer à la valorisation des droits en PI : Comme vu précédemment, l’inventeur peut aider à la valorisation des droits en propriété intellectuelle de son employeur.
- Respect de la confidentialité : L’inventeur de doit pas communiquer sur son invention sans l’accord de son employeur, quel que soit la stratégie de propriété intellectuelle choisie par l’employeur.
Que se passe-t-il en cas d’erreur dans la désignation d’un inventeur ?
Toute erreur commise dans la désignation des inventeurs dans le cadre d'une demande de brevet peut entraîner des conséquences à long terme.
Les conséquences potentielles incluent :
- Augmentation des coûts de procédure : Bien que les erreurs puissent être corrigées, il convient de noter que la résolution d’une erreur de désignation peut être très coûteuse. Les solutions selon le type d’erreur et les coûts associés sont abordés ultérieurement. Cependant, il est a noté que selon l’avancée des procédures, il conviendra potentiellement de corriger ladite erreur auprès de plusieurs offices autour du globe et d’impliquer plusieurs conseillers en propriété intellectuelle. Ce constat est indépendant du type d’erreur.
- Mauvaise estimation de la contribution de chaque inventeur : Dans le cas du « juste prix », c’est-à-dire des inventions hors mission attribuable, et parfois des « rémunérations supplémentaires », il faut tenir compte de l’apport de chaque inventeur pour estimer en pourcentage la contribution de chacun. L'ajout incorrect d'une personne réduit donc le montant perçu par chaque véritable contributeur.
- Invalidation d’une demande de brevet ou d’un brevet : Certains offices considèrent qu’une liste erronée d’inventeurs constitue un mensonge à une administration. C’est par exemple le cas aux Etats-Unis. Ainsi, le fait d’omettre intentionnellement le nom d’une personne qui est inventeur ou le fait d’identifier sciemment comme inventeur une personne qui a simplement collaboré aux travaux de recherche ou le dirigeant opérationnel d'une entité peut entraîner l’invalidation d’un brevet.
Solutions pour corriger les erreurs
Heureusement, il est possible de rectifier la désignation d'un inventeur
- Pour ajouter un inventeur, il faut généralement l’accord du titulaire de la demande de brevet ou du brevet (une autre option est la production d’une décision passée en force de chose jugée reconnaissant le droit à la désignation, c’est à dire une décision d'un tribunal) ;
- Pour retirer un inventeur, il faut, en plus de l’accord du titulaire, l’accord de l'inventeur désigné à tort. Il peut donc être difficile de retirer une personne désignée à tort si celle-ci refuse de reconnaître qu’elle n’est pas inventeur (au sens strict du terme en droit de la propriété intellectuelle, cf. ci-dessus), ou si elle est simplement injoignable.
- Si la personne ne peut être contactée ou est dans l’incapacité de signer, il est nécessaire de fournir des preuves à cet effet (témoignages, résultats d’enquête, certificat médical, certificat de décès, etc.). Cette procédure est longue et coûteuse.
- Lorsque l’inventeur n’est pas salarié du déposant (collaborateur externe, doctorant, etc.), la signature d’un contrat de cession peut être nécessaire.
Au vu des conditions entourant le retrait d’une désignation, il est essentiel de disposer des coordonnées téléphoniques, d’une adresse e-mail et/ou postale de chaque inventeur.
Comment Novagraaf peut vous accompagner
Étant donné la complexité du système de propriété intellectuelle, il est recommandé de faire appel à un Conseil en PI qualifié dans votre pays ou dans les pays où vous opérez.
Grâce à sa présence à l’échelle européenne, Novagraaf est en mesure d’offrir un accompagnement dédié aux titulaires de brevets souhaitant protéger et défendre leurs droits de propriété intellectuelle dans la région.
Nous sommes spécialisés dans les conseils personnalisés visant à définir la stratégie de protection par brevet la plus adaptée à votre activité, en accompagnant les inventeurs et leurs employeurs tout au long du processus de création de droits de PI.
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Matthieu Boulard, Mandataire Européen des Brevets, Novagraaf, France