Marque tridimensionnelle, c’est stop pour Piaggio

By Alexis Thiebaut,

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Dans une décision du 15 avril dernier, l’EUIPO a refusé d’enregistrer une marque tridimensionnelle représentant la forme d’un scooter de la société italienne PIAGGIO & C. S.P.A., illustrant une nouvelle fois la difficulté de protéger les marques non traditionnelles.  

Contexte  

Le 13 juin 2024, la société italienne PIAGGIO & C. S.P.A., titulaire de la fameuse marque VESPA, a procédé au dépôt de la demande de marque de l’Union Européenne tridimensionnelle suivante, représentant la forme d’un scooter, en classes 12 (scooter) et 28 (modèles de scooters) :  

Dans une décision du 15 avril 2025, l’EUIPO a, sans grande surprise, refusé totalement l’enregistrement de cette demande de marque, en rappelant que :   

  • Le public concerné ne perçoit pas nécessairement une marque de forme constituée par l'apparence d’un produit de la même manière qu'il perçoit une marque verbale ;  
  • Seule une marque qui s'écarte de manière significative de la norme ou des usages du secteur n'est pas dépourvue de caractère distinctif ;  
  • La forme du présent scooter ne s'écarte pas de manière significative des normes et usages du secteur concerné ;  
  • Il s’agit en effet d’un scooter de forme incurvée, avec deux rétroviseurs en saillie au-dessus du guidon, caractéristiques que l’EUIPO considère comme typiques et usuelles pour un tel produit.  

Dans le cadre de son argumentaire, la société PIAGGIO & C. S.P.A. avait mis en avant trois caractéristiques de son scooter qu’elle considérait comme se distinguant des normes du secteur, à savoir :  

Une forme "en X" Une forme "en Ω inversé Une forme "en flèche"

Ces arguments ont toutefois été écartés par l’office qui considère que « s'il est vrai que la marque demandée et les exemples fournis par l'Office peuvent présenter quelques différences, l'impression d'ensemble qui en résulte est très similaire, ce qui conduira les consommateurs à percevoir le signe contesté comme une simple variation de formes similaires existant sur le marché ». 

La société PIAGGIO & C. S.P.A. avait également mis en avant l’enregistrement antérieur de sa marque de l’Union Européenne tridimensionnelle n°011686482, reproduite ci-après, mais l’EUIPO relève que celle-ci a été maintenue au registre, suite à une action en nullité engagé par un tiers, du fait de son caractère distinctif acquis par l’usage, la Chambre de Recours (R0359/2021-5) et le TUE (T-19/22) ayant confirmé l'absence de caractère distinctif intrinsèque ce cette marque.  


L’EUIPO souligne à ce titre que ces deux marques sont quasiment identiques et que, dès lors, l’analyse du caractère distinctif intrinsèque de cette nouvelle marque ne peut être différente de celle menée par la Chambre de Recours ou le TUE pour cette marque antérieure.  

Discussion 

Cette décision souligne une nouvelle fois la grande difficulté des opérateurs à protéger leurs marques tridimensionnelles et, plus largement, leurs marques non traditionnelles (marque de couleur, marque de position, marque de motif…) et confirme qu’à ce jour la seule voie envisageable est celle de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage.  

Cette dernière solution reste toutefois compliquée à mettre en œuvre en pratique, le niveau de preuve requis par les instances européennes étant dissuasif. En effet, même s’il n’est pas nécessaire de présenter des preuves pour chaque État membre, ces dernières doivent démontrer l'acquisition du caractère distinctif dans tous les États membres de l’Union.  

Dans son arrêt du 6 mars 2024 (T‑652/22) relatif à la couleur orange du champagne Veuve Clicquot, le TUE précisait ainsi que certaines preuves pouvaient concerner plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union et qu’il « était possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres (…) comme s’ils constituaient un seul et même marché national », permettant ainsi de faire des regroupements entre plusieurs pays de l’Union.  

Même si cet arrêt constitue un premier assouplissement, il reste bien nécessaire de prouver que la marque en cause a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de l’Union Européenne.  

Dans le présent cas, les conséquences pour la société italienne PIAGGIO & C. S.P.A. restent limitées, cette dernière restant bien titulaire de la marque tridimensionnelle susvisée, très proche de la marque refusée.  

Il reste malgré tout à espérer de nouveaux assouplissements de la part des instances européennes dans leur appréciation du caractère distinctif des marques non traditionnelles afin de permettre une défense efficace des titulaires de droits au sein de l’Union Européenne.  

Alexis Thiebaut, Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France. 

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