L’affaire Thalès rappelle l’exigence d’une contribution technique

Door Novagraaf Team,
cockpit avion

Le 26 mars 2025, la cour d’appel de Paris a rendu une décision très attendue dans l’affaire opposant la société Thalès à l’INPI (RG n° 23/07392). Après plus de dix ans de procédure, la juridiction a confirmé le rejet d’une demande de brevet portant sur un procédé d’affichage temporel des étapes d’une mission d’aéronef dans un cockpit. 

La délicate frontière entre invention et présentation d’informations 

D’après l’article L.611-10 du Code de la propriété intellectuelle, sont brevetables les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. Toutefois, son alinéa 2 exclut expressément certaines catégories, parmi lesquelles les présentations d’informations. Cette exclusion n’est pas absolue, puisque l’alinéa 3 précise que la brevetabilité peut être admise si la demande va au-delà de la présentation en tant que telle et caractérise une solution technique à un problème technique. 

Autrement dit, le seul fait de recourir à un support technique générique, tel qu’un écran d’affichage ou encore un ordinateur, ne suffit pas. Encore faut-il démontrer que l’invention met en œuvre des moyens techniques spécifiques, qui produisent un effet technique concret. 

Une saga judiciaire de plus de dix ans 

En 2010, la société Thalès avait déposé une demande de brevet (FR 10 04947) intitulée « Procédé d’affichage temporel de la mission d’un aéronef ». L’invention facilitait la lecture et la corrélation des données de vol grâce à un affichage sous forme de timeline (échelle graduée en temps) en remplacement du tableau classique des points de passage. 

Le 17 juillet 2018, l’INPI a rejeté la demande, considérant qu’elle portait sur une simple présentation d’informations dépourvue de caractéristiques techniques. L’office a souligné que l’utilisation d’un écran de visualisation ou d’une fonction de zoom ne constituait pas en soi une solution technique. 

Le 21 mai 2019, la cour d’appel de Paris a annulé la décision de l’INPI. Elle avait estimé que la seconde caractéristique de la revendication 1 (affichage partiel de la timeline imposé par l’utilisateur) constituait un moyen technique distinct du simple contenu d’informations, produisant un effet technique utile pour le pilote. 

Le 11 janvier 2023, la Cour de cassation a censuré cette décision, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir établi en quoi les moyens revendiqués apportaient effectivement une contribution technique, se contentant de reproduire les termes de la revendication. 

Le 26 mars 2025, la cour d’appel de renvoi a finalement suivi la position de l’INPI. Elle a jugé que : 

  • L’affichage des étapes du vol sur une timeline n’était qu’une organisation visuelle de données préexistantes, sans apport technique ; 
  • La simple mention d’un écran ou d’une interaction utilisateur (loupe, recentrage, symbole de l’aéronef) ne suffisait pas, faute de description concrète des moyens techniques mis en œuvre ; 
  • Aucune solution technique distincte de la présentation d’informations n’était caractérisée. Ainsi, l’ensemble des revendications a été déclaré non brevetable, confirmant le rejet de la demande.  

Conclusion 

Cette décision, qui s’inscrit dans une jurisprudence constante, apporte plusieurs enseignements : 

1. Il faut caractériser clairement le problème technique. 
Un brevet doit répondre à un problème concret d’ingénierie, non se limiter à réorganiser des données. 

2. Il faut décrire précisément les moyens techniques. 
Mentionner l’usage d’un écran ou d’un ordinateur ne suffit pas. Il faut détailler les interactions homme-machine, les algorithmes, capteurs ou dispositifs matériels qui produisent l’effet recherché. 

3. Il faut éviter les revendications purement fonctionnelles. 
La simple mention d’un « zoom », d’un « recentrage » ou d’une « fonction loupe » est insuffisante sans explication technique de mise en œuvre. 

4. Il faut prendre en compte les divergences internationales. 
La même invention avait été brevetée aux États-Unis, mais rejetée en France. Cela illustre la rigueur particulière de l’INPI et des juridictions françaises dans l’application de l’article L.611-10 dudit code. 

Mathilde LEBEAU, Juriste stagiaire au service Inscriptions, Novagraaf, France. 

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