De l’IGP à l’AOP, tempête sur les vins de Camargue

Par Florence Chapin,

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Depuis 2011 reconnus IGP, les vins « Sable de Camargue » produits sur sols sableux des départements du Gard, de l’Hérault et des Bouches‑du‑Rhône ont obtenu le statut d’AOP en octobre 2023, renforçant leur ancrage territorial et la valorisation de leur savoir-faire viticole. Cet article examine également les enjeux pour les producteurs voisins, notamment ceux de l’IGP Bouches‑du‑Rhône, qui contestent l’impact de cette nouvelle appellation sur leurs mentions géographiques complémentaires.

Les vins « Sable de Camargue », Vin de Pays des Sables du Golfe du Lion, produits sur des sols sableux littoraux des départements du Gard, de l’Hérault et des Bouches-du-Rhône, étaient reconnus en Indication Géographique Protégée (IGP) depuis 2011.

Un accord sous seing privé signé avec l’INAO a permis aux deux syndicats viticoles (celui de l’IGP Sable de Camargue et celui de l’IGP Bouches‑du‑Rhône) d’utiliser conjointement la mention « Camargue ». Cependant, cette mention (Dénomination Géographique Complémentaire, DGC) n’était pas juridiquement protégée.

En octobre 2023, les vins « Sable de Camargue » se sont vu reconnaitre le statut d’Appellation d’Origine Protégée (AOP), valorisant ainsi leur ancrage territorial et leur savoir-faire viticole spécifique.

Le passage de l’IGP à l’AOP contesté par le Syndicat des IGP viticoles des Bouches-du-Rhône

Le passage de l’IGP à l’AOP a suscité une contestation de la part du Syndicat des IGP viticoles des Bouches-du-Rhône exploitant la mention « Terre de Camargue » et de plusieurs vignerons. Un recours a été déposée devant le Conseil d’État pour annuler l’arrêté ministériel du 6 mai 2022, arguant notamment que l’aire géographique de l’AOP ne correspondait pas strictement à la Camargue et que la procédure de transformation n’avait pas été correctement suivie.

Le Conseil d’État a rejeté le recours dans sa décision du 18 février 2025, estimant que :

  • La procédure de transformation de l’IGP en AOP avait été correctement menée, conformément aux règlements européens, avec des procédures d’opposition au niveau national et européen.
  • L’aire géographique de l’AOP, bien que ne recouvrant pas entièrement la Camargue au sens strict, est caractérisée par des sols sableux et un climat méditerranéen spécifique, justifiant le lien entre le produit et son origine géographique.
  • Le cahier des charges de l’AOP précisait les éléments permettant d’attribuer aux facteurs naturels et humains de la zone la qualité et la réputation des vins produits.

Ainsi, l’arrêté ministériel instaurant l’AOP « Sable de Camargue » a été validé.

Cette AOP « Sable de Camargue » se déploie sur deux régions : l'Occitanie et la région Provence Alpes Côte d'Azur, et sur 3 départements : l'Hérault, le Gard, et les Bouches du Rhône.

Les vignes relevant de cette aire doivent être plantées exclusivement sur des sables dunaires littoraux issus d’apports rhodaniens, marins et éoliens, avec une fraction sableuse supérieure ou égale à 80 %, souvent proche de 90 %, très pauvre en argile et en limon.

Les vignobles sont situés dans un espace entre étangs, lagunes, dunes et pinèdes, à une distance souvent inférieure à 150 mètres de la mer et s’étendant sur les plaines littorales de la Petite Camargue et du delta du Rhône.

Aujourd’hui, 95 % de son vignoble est en bio avec interdiction d’herbicides sur les inter-rangs (couloirs situés entre deux rangs de vignes), les fossés et les tournières (espace en bout de rang qui permet de faire demi-tour). Les 3000 ha de l’AOP Sable de Camargue font de ce terroir le plus grand vignoble bio d’Europe.

Quels enjeux pour les producteurs voisins ?

La reconnaissance de l’AOP Sable de Camargue marque une avancée notable dans la valorisation d’un terroir littoral singulier. Cette consécration n’est cependant pas sans soulever des tensions légitimes chez les producteurs voisins, historiquement attachés à la dénomination Camargue, mais désormais exclus de son usage protégé.

Si le droit des appellations d’origine confère une protection rigoureuse à la dénomination enregistrée, y compris contre toute évocation ou détournement, il repose aussi sur un principe fondamental : la loyauté de l’usage. On peut espérer que l’ensemble des opérateurs concernés qu’ils soient sous AOP, IGP ou hors signe de qualité, feront preuve de respect mutuel dans l’emploi des termes géographiques, au service de la clarté de l’information fournie au consommateur.

Toutefois, la frontière entre évocation illicite et simple référence géographique reste ténue et la jurisprudence en la matière est fournie. Dans un contexte où plusieurs vins, issus de zones limitrophes et de styles proches (notamment les gris et gris de gris), pourraient coexister sur le marché avec des mentions similaires, le risque de confusion pour le consommateur final demeure réel. Ce risque sera d’autant plus aigu si une nouvelle IGP Terre de Camargue venait à être reconnue, rendant encore plus délicate la distinction entre les signes officiels de qualité.

Dès lors, au-delà des considérations strictement juridiques, une vigilance accrue en matière d’étiquetage, de communication commerciale et de contrôle des usages sera nécessaire, afin de garantir la loyauté des pratiques et la lisibilité des produits pour le consommateur.

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