Décision G1/24 – Interprétation des revendications

La grande chambre de recours de l’Office Européen des Brevets a rendu le 18 juin dernier sa décision pour apporter une réponse à trois questions qui lui ont été posées par une chambre de recours (affaire T 0439/22-3.2.01).
En effet, dans l’affaire T 0439/22-3.2.01, au moment d’examiner la nouveauté, il est apparu nécessaire de savoir si un terme de la revendication 1 (« gathered sheet ») peut être interprété à la lumière de la description. La Chambre de recours 3.2.01 a donc posé les trois questions suivantes à la Grande Chambre de Recours :
Question 1
L’article 69(1), deuxième phrase, CBE et l’article 1 du Protocole sur l’interprétation de l’article 69 CBE doivent-ils être appliqués à l’interprétation des revendications de brevet lors de l’évaluation de la brevetabilité d’une invention selon les articles 52 à 57 CBE ?
Explication d'un expert :
La Grande Chambre de Recours a très rapidement conclu que ni l’article 69, ni l’article 84 ne constituaient des bases légales pour répondre à la Question 1. En effet, en raison de son libellé et du fait que l’Article 69 fait partie de la section « Effets du brevet européen et de la demande de brevet européen », cet article 69 ne concerne que les questions de contrefaçon. L’article 84 quant à lui concerne le contenu de la demande de brevet européen et ne procure aucune aide pour savoir comment interpréter les revendications.
Question 2
Peut-on consulter la description et les figures lors de l’interprétation des revendications pour évaluer la brevetabilité et, si oui, cela peut-il être fait de manière générale ou seulement si la personne du métier trouve qu’une revendication est peu claire ou ambiguë lorsqu’elle est lue isolément ?
Explication d'un expert :
En dépit du défaut de base légale claire, la Grande Chambre de Recours constate que deux principes peuvent être extraits de la pratique des Chambres de Recours :
- Les revendications sont le point de départ et la base pour étudier la brevetabilité d’une invention.
- La description et les dessins sont toujours pris en compte pour interpréter les revendications, et pas seulement en cas d’ambiguïté ou de défaut de clarté.
La Grande Chambre de Recours constate que le point 1 ne donne pas lieu à des divergences de pratiques, alors que le point 2 est quant à lui source de décisions divergentes.
La Grande Chambre de Recours note que les juridictions nationales et la Juridiction Unifiée des Brevets suivent le point 2, et conclut que pour des raisons d’harmonisation et de cohérence avec l’article 69, il faut adopter une pratique uniforme en suivant le point 1 et aussi le point 2. Les décisions de jurisprudence qui n’ont interprété les revendications à la lumière de la description que si les revendications étaient ambigües ou pas claires ne doivent pas être suivies.
Question 3
Peut-on ignorer une définition ou une information similaire concernant un terme utilisé dans les revendications, qui est explicitement donnée dans la description, lors de l’interprétation des revendications pour évaluer la brevetabilité, et si oui, à quelles conditions ?
Conclusion :
Pour ces raisons, la Grande Chambre de Recours ordonne que les revendications soient le point de départ et la base pour évaluer la brevetabilité d'une invention selon les articles 52 à 57 CBE. La description et les dessins doivent toujours être consultés pour interpréter les revendications lors de l’évaluation de la brevetabilité d'une invention selon les articles 52 à 57 CBE, et pas uniquement si la personne du métier trouve qu'une revendication est peu claire ou ambiguë lorsqu’elle est lue isolément.
Cyrille Poindron, Conseil en Propriété Industrielle Brevets et Directeur du Département Mécanique, Novagraaf, Suisse