Evolution de la pratique Suisse concernant la protection des indications de provenance protégées

« Contrairement aux marques, les indications de provenance n'attribuent pas les produits qui en portent la marque à une entreprise spécifique, mais à un pays, une région ou une localité. Les indications de provenance doivent donc être protégées contre les signes susceptibles de faire naître des idées fausses sur l'origine des produits ».

L’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) prévoit dans ses Directives en matière de marques (Directives) des cas dans les lesquels des indications de provenance peuvent être considérées comme suffisamment distinctives pour échapper au domaine public, à l’exclusion totale des indications géographiques faisant l’objet d’une protection par le droit international ou une législation spéciale. Pour de tels signes, la demande d’enregistrement de marque était systématiquement refusée sur la base de l’appartenance au domaine public et de l’atteinte au droit en vigueur.

A ce titre, la marque de jeux et jouets « Ravensburger » en classe 28 avait été refusée en Suisse notamment au motif qu’elle pouvait être confondue avec l’indication « Ravensburger Spiele », protégée par un traité bilatéral entre la Suisse et l’Allemagne, alors que l’Allemagne elle-même l’avait acceptée à l’enregistrement.

Il est bien connu que la Suisse se montre en général plus sévère que peut l’être la majorité des autres pays lors de l’examen d’indications de provenance, et que l’IPI fait rigoureusement application de critères d’examens qui lui sont propres. Néanmoins, quelques signes d’assouplissement semblent commencer à émerger de la pratique.

Tout d’abord, une évolution visible entre les deux dernières versions des Directives concerne les indications protégées par les ADPIC, auxquelles le caractère distinctif peut désormais être reconnu quand elles ne sont pas connues du public suisse, et que leur réservation n’entrave pas le besoin de disponibilité.

Depuis le 1er août 2020, un nouveau changement de pratique fait écho à cette évolution puisque dorénavant l’IPI accorde une certaine marge de tolérance en ce qui concerne les indications de provenance protégées : les signes composés de telles indications sont ainsi susceptibles de bénéficier d’une protection par le droit des marques si, de manière cumulative, ils remplissent les conditions suivantes :

  1. le risque de tromperie est écarté par la limitation des produits et services à la provenance géographique,
  2. le nom géographique concerné est enregistré comme marque verbale dans le pays d'origine,
  3. le nom géographique n’est pas connu du public suisse.

La deuxième condition attire particulièrement notre attention en ce qu’elle témoigne de la volonté de l’IPI de ne pas se montrer plus sévère que l’Office des marques du pays d’origine, alors qu’il ne tient quasiment jamais compte des marques protégées à l’étranger - y compris dans leur pays d’origine - dans le cadre de son examen.

Il n’en demeure pas moins que cette opportunité reste très spécifique et par conséquent ne bénéficierait qu'à de rares cas dans lesquels, par exemple, une indication est protégée par un vieil Accord et qu'on remarque, d’une part, qu'il n'y a plus de protection géographique actuellement, et d’autre part, que le pays d'origine avait enregistré cette indication en faveur d'une entreprise bien particulière. Dans tous les autres cas, on comprend très bien que indications protégées ne puissent pas être enregistrées comme marques.

Nathalie Codignola, Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, Genève.

Sources :

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