Le brexit : quel sort réservé aux indications géographiques ?

Par Florence Chapin,

L'une des nombreuses questions abordées a notamment été celle des conséquences du Brexit sur les indications géographiques, en cas de retrait avec ou sans accord sachant que le Royaume-Uni est le pays non-méditerranéen qui possède le plus d’IGP et d’AOP après l’Allemagne.

Les indications géographiques sont un instrument collectif de promotion et de valorisation des produits d’un terroir et de leur renommée. Il s’agit aussi d’un élément important pour l’information et la protection des consommateurs. Leur enregistrement au niveau international permet de leur accorder une protection contre les usurpations et de favoriser l’exportation.

Après le Brexit, les Indications Géographiques Protégées et les Appellations d’Origine Protégée ne produiront plus d’effet au Royaume-Uni, à l’instar des autres titres de l’Union Européenne. Le projet d’accord de retrait entre l’Union européenne et le Royaume-Uni prévoit cependant que les indications européennes continueront d’être protégées après la sortie du Royaume-Uni sans qu’il soit nécessaire de les enregistrer à nouveau.

En vertu de l'accord de retrait, les indications géographiques existantes approuvées par l'UE seront juridiquement protégées jusqu'à ce qu'un nouvel accord s'appliquant aux indications géographiques soit conclu dans le cadre de la future relation entre Union Européenne et Royaume-Uni. L'accord sur les indications géographiques couvre les appellations d'origine protégées, les indications géographiques protégées, les spécialités traditionnelles garanties et les mentions traditionnelles du vin.

Le Royaume-Uni garantira, pour ces indications géographiques d’ores et déjà approuvées, au moins le même niveau de protection que celui qui s'applique actuellement dans l'UE. Cette protection serait mise en œuvre au moyen de la législation nationale britannique nécessaire.

Par conséquent, les indications géographiques du Royaume-Uni enregistrées dans l'UE continueront à être protégées dans l'UE.

Cependant, si un scénario de no-deal vient finalement à se produire, cette disposition ne s’appliquera pas et le Gouvernement britannique envisage la création d’un système national de protection : les indications européennes du Royaume-Uni (telles que « Welsh Lamb », «West Country Farmhouse Cheddar ») seraient automatiquement protégées par le nouveau système tandis que les indications géographiques émanant des autres Etats membres devraient alors faire l’objet d’une demande d’enregistrement spécifique.

Pour les plus pessimistes, ce scenario laisserait craindre que les producteurs britanniques deviennent libres d’utiliser au Royaume-Uni des indications géographiques autrefois protégées et une telle situation a d’ores et déjà pu être anticipée par les producteurs de Parmesan et de jambon de Parme qui ont déposé des demandes de marques britanniques pour leurs produits.

En effet, sans reconnaissance des indications géographiques dans les pays concernés, lesdites indications géographiques peuvent librement être utilisées par tout acteur du même domaine d'activité qui pourtant ne satisfait pas au cahier des charges de l'AOP/IGP en question.

Le Royaume-Uni étant un membre de l’OMC, il est tenu, conformément à l’accord sur les ADPIC, de prévoir des moyens juridiques pour protéger les parties intéressées contre l’usage d’indications pouvant induire le public en erreur (art.22) ne protection additionnelle étant prévue pour les indications portant sur les vins et les spiritueux art.23).

Compte tenu des enjeux économiques autour des indications géographiques, la Commission européenne a demandé au Royaume-Uni de prévoir la création d’un système de protection nationale comparable à celui de l’UE.

Cependant, cette demande de la Commission européenne ne serait pas sans conséquences dans la mesure où un système de protection comparable à celui de l’UE compromettrait la conclusion d’un accord commercial entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni. La facilitation de l’accès au marché américain pour les britanniques serait conditionné par un accès réciproque des producteurs américains au marché britannique or, un tel accord serait incompatible avec un système aussi protecteur des indications géographiques que celui de l’Union Européenne.

Les produits sous IG sont, en général, commercialisés à un prix plus élevé que les produits équivalents sans IG, avec un différentiel plus élevé encore pour les produits transformés. Le prix des produits agricoles et alimentaires sous IG est en moyenne 1,55 fois supérieur aux produits sans IG.

Les usurpations d’IG représentent un manque à gagner significatif (par exemple un manque à gagner attaignant 564 000€ en 2011 au Canada pour le jambon de Bayonne, selon les producteurs). Les usurpations sont nombreuses à l’étranger, dans la catégorie concernée du produit ou dans d’autres catégories de produits, et elles sont bien la preuve de l’intérêt économique pour les contrefacteurs.

Les indications géographiques, garantissant l’origine, répondent à une demande croissante du consommateur qui veut savoir ce qu’il consomme et souhaite recevoir des assurances en matière de qualité et d’authenticité.

Dans l’attente de la sortie imminente ou repoussée du Royaume-Uni avec ou sans accord, puissent les britanniques rester nos alliés pour la protection du patrimoine gastronomique de l’Union Européenne !

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à contacter votre conseil habituel ou à envoyer un mail à notre équipe spécialisée en droit des vins et spiritueux agence-bordeaux@novagraaf.com.

Florence Chapin est Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles chez Novagraaf France.

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