Greenwashing et droit des marques : un usage encadré juridiquement

Par Colombe Dougnac,

Le greenwashing n’épargne pas le droit des marques ! Logos, slogans et allégations “vertes” sont désormais scrutés à la loupe par les juridictions nationales et internationales. Découvrez comment le droit encadre l’usage des marques dites “écoresponsables” et quelles sont les réglementations à connaître pour éviter les dérives.

Le greenwashing ou écoblanchiment est défini comme des pratiques commerciales trompeuses dont l’objectif est de revendiquer de manière erronée un engagement écologique et concerne toute pratique consistant à utiliser une allégation environnementale fausse ou ne pouvant être vérifiée. Si les stratégies commerciales trompeuses sont de plus en plus dénoncées (le groupe chinois Shein vient d’être condamné à une amende record de 40 millions d'euros pour avoir trompé les consommateurs en France ou encore le groupe de luxe Armani qui vient aussi d'être condamné à 3,5 millions d'euros d'amende en Italie), cette pratique s’étend également au droit des marques, dont les logos, termes ou encore slogans sont susceptibles d'évoquer des références ou des critères écologiques.

Les marques sont directement concernées par l’aspect écologique. Ainsi, les signes sont susceptibles d'évoquer, directement ou indirectement, des allégations environnementales, qui peuvent elles-mêmes évoluer dans le temps, telles que :

  • Utilisation de terme faisant référence à l’écologie : « naturel », « bio », « biodégradable », « compostable », « durable », « éco », « écologique », « recyclable », « renouvelable », « responsable », etc…
  • Reproduction d’une couleur : vert
  • Usage d’un logo : arbre, feuille, éléments de la nature, abeilles ... 
  • Association d’un slogan mettant en avant des critères écoresponsables

L'usage de ces éléments plus ou moins explicites s'est particulièrement répandu ces dernières années, et doit être apprécié à l'aune des critères de validité du droit des marques. À titre d’illustration, il existe plus de 8000 marques en vigueur composées du terme « GREEN » et plus de 10 000 marques composées de terme « BIO », sur la base de données des marques de l’INPI (marques françaises, de l’Union européenne, ou internationales désignant la France). En septembre 2021, l’EUIPO a publié un rapport important sur les « marques vertes » dans l’Union européenne qui met en avant cette évolution. 

La licéité des marques est donc susceptible de constituer un fondement pertinent pour lutter contre le greenwashing. Il convient de noter qu'un usage non conforme est également susceptible d'être condamner au titre de la responsabilité civile via les pratiques commerciales trompeuses (article L. 121-1 du code de la consommation) et par les des actions de la DGCRF, qui sont particulièrement efficaces, comme en témoignent de récentes affaires. 

L'application du droit des marques aux marques "écoresponsables"

Le code de propriété intellectuelle représente un arsenal juridique pour lutter contre le greenwashing, mais les décisions en la matière démontrent les difficultés d'interprétation de la licéité des marques au regard de leur usage effectif et des produits qu'elles désignent. La frontière entre distinctivité et caractère non trompeur est mince en la matière. 

A - Les marques descriptives

L'article L. 711-2, 3° du CPI prévoit expressément que « ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls : (…) 3° Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation du service ».

Ainsi, la reprise d’une allégation environnementale au sein d'un signe pourrait être considérée comme descriptive de la qualité du produit et donc non appropriable à titre de marque. Cette absence de distinctivité est d'ailleurs plus facilement admise pour les marques dites de produits que de services. 

À titre d’exemple, la demande de marque BIOCHROME a été refusée à l'enregistrement pour désigner des "vêtements" en classe 25, en ce que "le public associerait immédiatement le terme 'biochrome' avec des pigments naturels/pigments biologiques, utilisés à la fois dans des applications scientifiques et dans la production de vêtements. Dans cette compréhension, le signe apparaît comme une simple indication du contenu technique/ caractéristique descriptive (sujet) des biens et services et non pas comme une marque indiquant leur origine commerciale" (EUIPO, 29/07/2025, 019174631).

Le signe "MON BIO SAPIN" a, par ailleurs, été refusé à l'enregistrement pour les produits des classes 2, 3, 4, 5, 20, 28, 29, 30, 32 et 33, en ce que le public percevra que "les produits proposés sont des produits dérivés (tels que les résines, huiles essentielles, sirops, ou bois) ou contenant des ingrédients provenant de ce type de conifères (par exemple des cosmétiques, des bougies, de pastilles pour la gorge, de la pâtisserie, des bonbons, des boissons, décorations) issues de l’agriculture biologique ou d’une production environnementalement respectueuse et qui sont élaborés juste pour moi, le client, qu’ils sont donc parfaits pour moi" (EUIPO, 28/11/2023, MON BIO SAPIN). 

La demande de marque LA VIE EN BIO a également été rejetée pour désigner des "Vins ; vins mousseux. Tous ces produits sont issus d'une production biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus" en classe 33 a été refusée à l'enregistrement (EUIPO, 13/06/2019, LA VIE EN BIO). 

Les signes suivants ont aussi été considérés comme non distinct per se : ECO BAG (classe 33), WE ARE NATURALS (classe 5), GREEN TECHS (classe 36) ou encore PAPER2PAPER RECYCLABLE (classes 16 et 21). 

Il ressort de ces enregistrements que les pratiques administratives françaises et de l’Union européenne sont globalement alignées.

B – Les marques trompeuses 

L'article L. 711-2, 8° du CPI dispose : « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls : (…) 8° Une marque de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ». Ainsi, l'usage d'allégations environnementales doivent entrainer une limitation de produits désignés à la caractéristique effective de cette mention. 

Ces marques sont néanmoins susceptibles d'être enregistrées, si le libellé des produits désignés est expressément ciblé à ceux en relation avec l'allégation environnementale de la marque en question. À titre d'exemple, la reprise de la mention BIO ou ORGANIQUE au sein d'un signe implique une limitation des produits comme suit : « tous ces produits sont issus d'une production biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus » afin de ne pas être considérés comme trompeur.

C'est la raison pour laquelle la marque MELBIO a été limitée aux produits de "Miel, miel biologique pour l'alimentation humaine, miel naturel, miel mûr naturel" pour ne pas être considérée comme trompeuse compte tenu de la présence de l'élément BIO, mais se pose alors la question de sa distinctivité. En effet, cette demande de marque a exclu de son libellé tous les produits à base de miel, afin d'être considérée comme distinctive, ce que l'EUIPO a sanctionné cette fois-ci sur le fondement du caractère trompeur de la marque (EUIPO, BIOMEL, 29/07/2025, WO1645934). 

Les slogans sont également concernés, puisque la demande de marque  (NAO - Organic Chocolate made in Belgium) n° 019362559 a été refusée à l'enregistrement pour désigner "Leurs succédanés (de cacao)" en classe 30 au motif que "le signe déposé contient l’élément l'expression « organic chocolate ». Cette expression qui signifie « chocolat bio » sera clairement trompeuse pour le consommateur de langue anglaise lorsqu’elle sera utilisée avec les succédanés du cacao qui ne peuvent pas être du chocolat bio (organic chocolat en anglais)." (EUIPO, 22/06/2021) 

Se pose aussi la question des marques qui désignent des produits qui sont per se incompatibles avec des produits écologiques : en effet quid de l'existence sur les registres d'une marque composée de BIO ou GREEN désignant des produits chimiques en classe 1 ? Ainsi la demande de marque ADVANCED BIORECYCLE a été refusée pour l'enregistrement des produits de "ingrédients chimiques actifs à utiliser dans la biodégradation des matériaux plastiques ; additifs organiques à utiliser dans la biodégradation des matériaux plastiques" en classe 1 (EUIPO, 21/07/2025, WO1828291). 

Il convient également d'anticiper un éventuel développement de l'exploitation qui ne serait plus conforme aux produits désignés en relation avec l'allégation environnementale concernée, puisqu'une marque qui est devenue, du fait de son titulaire, propre à induire en erreur le consommateur sur une qualité du produit et est susceptible d'encourir la déchéance.  

Une règlementation internationale 

La France n'est pas la seule à avoir un arsenal législatif conte ce type de pratique et les pays étrangers tels que les Etats-Unis, l’Espagne, la Suède ou l’Allemagne adoptent des positions également très strictes dans l'appréciation de la licéité des marques. 

En Union européenne, un projet de règlementation européenne sur l’écoblanchiment (Green Claims Directive) visant à interdire les allégations environnementales, soutenu par la France, avait vu le jour début 2023 afin d'harmoniser les législations européennes. Ce projet avait pour objectif de permettre aux consommateurs d'identifier clairement les critères écologiques d'un produit en contraignant notamment les opérateurs économiques à certifier leurs allégations environnementales.

Ce projet vient d'être retiré par la Commission européenne. 

Colombe Dougnac, Conseil en Propriété Industrielle et Responsable de l'Agence de Bordeaux, Novagraaf, France

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