Mandataire un jour, mandataire toujours

Quand un mandataire agréé est désigné, ce mandataire reste la personne responsable de la demande vis-à-vis de l'OEB, y compris lorsqu’un tiers est chargé du paiement des annuités. Ceci implique en particulier que le délai de deux mois de présentation d'une requête en restitutio in integrum (règle 136(1) CBE) cours à partir du moment où le mandataire a eu connaissance de la notification de perte de droits, ce moment correspondant donc à la cessation de l'empêchement.
La décision T 1882/23 du 23-09-2024 en est un exemple éloquent.
L’affaire concerne une demande pour laquelle le demandeur avait confié à un mandataire la procédure de demande de brevet mais pas la gestion des annuités.
Dans le cadre de cette demande, l’OEB avait émis une notification de perte de droits pour non-paiement de l’annuité en cours. Cette notification de perte de droits a été reçue le 4 juin 2019 par le mandataire agréé en charge de la demande concernée qui l’a transmise le surlendemain au demandeur par courrier électronique.
Cependant, ce n’est que le 10 juillet 2019, à son retour de congé maladie, que le responsable Propriété Intellectuelle du demandeur a pris connaissance de la notification de perte de droits.
Ainsi, le 10 septembre 2019, le demandeur a déposé une requête visant à obtenir la restitution de ses droits en ce qui concerne le délai de paiement de la taxe de renouvellement pour la quatrième année et de la taxe supplémentaire. Le demandeur croyait alors être dans le délai de deux mois en considérant que le délai courait à partir du 10 juillet 2019, date à laquelle le responsable Propriété Intellectuelle, a pris connaissance de la perte de droits.
La division d'examen a estimé que la requête était irrecevable car elle avait été déposée tardivement, et qu'elle ne pouvait être admise car le demandeur n'avait pas fait preuve de toute la vigilance requise par les circonstances.
Le demandeur a demandé en appel que la décision soit annulée et que sa requête en rétablissement des droits soit admise.
En effet, le requérant a fait valoir que, dans la présente affaire, la personne responsable de la demande vis-à-vis de l'OEB devrait être le « responsable de la Propriété Intellectuelle ». Par conséquent, c'est la prise de conscience de cette personne qui devrait être prise en compte pour établir la date de la cessation de l’empêchement et donc pour calculer le délai de 2 mois pour déposer une requête en restitutio in integrum.
Cependant, la chambre n’a pas jugé les arguments du requérant convainquant. Pour défendre sa position, la chambre rappelle que quelles que soient les dispositions contractuelles prises par le requérant pour le paiement des taxes, le mandataire agréé désigné reste l'interlocuteur unique de l'OEB (T 231/23, point 5 des motifs). Ce principe est illustré par la règle 130(1) CBE, selon laquelle toutes les notifications, y compris celles relatives aux taxes, doivent être adressées au mandataire.
La chambre n’a pas non plus été convaincue par le deuxième argument du requérant qui avançait que selon la décision T 942/12, le mandataire n’était pas tenu de surveiller le paiement des annuités. En effet, selon cette décision, lorsqu'un mandataire européen a reçu pour instruction expresse qu'il n'était pas tenu de surveiller le paiement des taxes de renouvellement, le devoir de diligence ne l'oblige pas à le faire.
Cependant, la chambre a estimé que dans le cas énoncé, la question était de savoir quelle personne devait être informée pour définir la date de la cessation de l’empêchement, cette question étant indépendante de celle de savoir si toute la diligence requise a été exercée.
CONCLUSION
Les organisations « hybride », dans lesquelles le mandataire n'est pas entièrement responsable de toutes les actions relatives à une demande de brevet requièrent une vigilance et une rigueur accrues dans la gestion de l’information et dans la surveillance du paiement des annuités afin de limiter le risque de pertes de droits.
Clémence de Masfrand, Ingénieure Brevets, Novagraaf, France