ROLEX c. PINEL et PINEL : une imitation qui ne tourne pas rond

Par Florence Chapin,

En juin 2025, la Cour d’appel de Paris a donné raison au célèbre horloger de luxe Rolex dans un contentieux de longue date l’opposant à Pinel et Pinel au sujet de remontoirs à montres reproduisant l’apparence des lunettes Rolex et commercialisés sous les références « GMT », « SUB », « DT » et « XP ». Dans sa décision, la Cour a jugé Pinel responsable de concurrence déloyale, de pratiques commerciales trompeuses et de parasitisme, comme l’explique Florence Chapin.

Dans l’affaire Rolex SA c/ Pinel & Pinel (RG 24/00808), la Cour d’appel de Paris a estimé que l’usage par Pinel des abréviations « GMT », « SUB », « DT » et « XP » pour désigner différents modèles de remontoirs était susceptible de créer un risque de confusion auprès du public concerné.

Contexte de l’affaire de contrefaçon de la marque Rolex

En 2019, la société de maroquinerie de luxe Pinel et Pinel a conçu et commercialisé des remontoirs automatiques pour montres sous la dénomination Twin, dont les lunettes reproduisaient l’apparence des lunettes de montres Rolex (modèles GMT-Master, Submariner, Daytona et Explorer II). Ces produits étaient présentés au public sous les références « GMT », « SUB », « DT » et « XP ».

La société Rolex (constituée de Rolex SA et Rolex France) a alors assigné Pinel et Pinel en concurrence déloyale, pratiques commerciales trompeuses et parasitisme.
En première instance (Tribunal de commerce de Paris, jugement du 2 octobre 2023), les demandes de Rolex ont été rejetées, et Rolex France a, en revanche, été condamnée pour dénigrement.

Rolex a interjeté appel, sollicitant la reconnaissance d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme, ainsi qu’une injonction interdisant la commercialisation des remontoirs litigieux et ordonnant la destruction de l’ensemble des stocks.
De son côté, Pinel et Pinel a demandé la confirmation du rejet des prétentions de Rolex et une augmentation des dommages-intérêts alloués à son encontre pour dénigrement.

Décision d’appel

La Cour d’appel infirme quasi intégralement le jugement et retient à l’encontre de Pinel et Pinel des actes de concurrence déloyale, de pratiques commerciales trompeuses et de parasitisme par la reprise des caractéristiques visuelles emblématiques des lunettes Rolex et l’usage de références explicites (« GMT », « SUB », « DT », « XP ») de nature à capter indûment la valeur économique individualisée associée à la notoriété des modèles Rolex et à suggérer un lien (licence/co-branding) aux yeux du public.

Il s’agit ici d’un des éléments déterminants de la décision car l’usage des abréviations « GMT », « SUB », « DT » et « XP » pour désigner différents modèles de remontoirs a bien été considéré comme de nature à créer une confusion auprès du public pertinent.

Les consommateurs pouvaient ainsi raisonnablement croire que ces remontoirs étaient approuvés par Rolex ou destinés spécifiquement à ses montres. Pour la Cour, il ne s’agissait pas simplement d’un marketing suggestif, mais bien d’une tentative directe de tirer parti de la notoriété et du prestige des noms de modèles Rolex, devenus synonymes de catégories entières de montres après des décennies de communication et de présence sur le marché.

La Cour d’Appel rejette en revanche toute condamnation de Rolex pour dénigrement : en effet le courriel de Rolex France adressé aux distributeurs en juillet 2019, factuel et mesuré, rappelait l’absence d’accord avec Pinel et Pinel et ne constituait pas un dénigrement.

Le courriel adressé par la société Rolex France était en effet rédigé en les termes suivants:

« Notre attention a été attirée sur des watch winders / remontoirs de montres automatiques, imaginés, fabriqués, proposés à la vente et commercialisés par la société Pinel et Pinel qui font référence à la lunette des modèles ROLEX.

La société Pinel et Pinel peut laisser faussement croire que les remontoirs qu'elle fabrique auraient été autorisés par la Maison ROLEX, dans le cadre d'un contrat de licence voire de co-branding, ce que nous réfutons.

Pour prévenir tout malentendu, nous souhaiterions éviter que ces remontoirs puissent être associés à la marque ROLEX et nous vous serions reconnaissants de nous soutenir dans cette démarche».

Le caractère dénigrant n’a pas été retenu dans la mesure où la Cour d’Appel relève que le courriel de la société Rolex France reposait sur une base factuelle suffisante en ce qu'il est établi que les lunettes des remontoirs évoquent les lunettes des montres de marque Rolex, présente une certaine mesure en ce qu'il n'affirme pas de manière formelle que la société Pinel et Pinel aurait été l'auteur d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire et de pratiques commerciales trompeuses.

Il informe les revendeurs de manière générale que la société Rolex France n'avait conclu aucun accord avec la société Pinel et Pinel concernant la commercialisation des remontoirs qu'ils seraient amenés à vendre, les invitant à ne pas les présenter comme des produits en lien avec les montres de marque Rolex.

Sanctions

En conséquence, Pinel & Pinel a été condamnée à verser la somme de 75 000 € de dommages et intérêts à Rolex SA et Rolex France, ainsi que 30 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Cour a en outre interdit la promotion et la commercialisation de tout remontoir reproduisant les caractéristiques des lunettes de montres Rolex ou utilisant les références « GMT », « SUB », « DT » et « XP », sous astreinte de 1 000 € par infraction, exécutoire deux mois après la signification de l’arrêt, pour une durée de six mois.
En revanche, les demandes de destruction des stocks et de publication judiciaire ont été rejetées.

A retenir :

La Cour d’appel de Paris a estimé que les remontoirs en cause ne relevaient pas du répertoire usuel dans le secteur horloger, ni des choix créatifs propres à Pinel & Pinel. Ils apparaissaient au contraire comme une appropriation des codes de marque de Rolex et permettant à Pinel & Pinel de tirer profit indûment de la réputation de Rolex ce qui outrepasse la tolérance acceptable en matière de concurrence.

Un élément intéressant ressort en outre de cette décision et réside dans le fait que des références abrégées telles que « GMT » ou « SUB » peuvent constituer des signes protégés et opposables.

FlorenceChapin, Conseil en Propriété Industrielle, Novagraaf, Bordeaux.

Cet article a été publié pour la première fois dans WTR Daily, une partie de World Trademark Review, en septembre 2025. Pour plus d'informations, veuillez consulter www.worldtrademarkreview.com. 

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