Tour de force pour la marque TOUR DE FRANCE : illustration d’une renommée exceptionnelle

Par Fabienne Maucarré,

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A quelques jours du départ de la Grande Boucle, revenons sur une victoire marquante de la célèbre marque TOUR DE FRANCE.  Si la renommée de cette marque pour des épreuves cyclistes ne fait plus aucun doute, comment s’apprécie l’atteinte à cette intense renommée ? Cette reconnaissance n’a pas été un succès facile ni rapide, comme l'explique Fabienne Maucarré

Dans son arrêt du 19 mars 2025, la Cour de cassation prend le contre-pied des décisions déjà rendues sur la défense de la marque TOUR DE FRANCE qui avait auparavant essuyé quelques défaites. 

Antécédents du litige  

Rappelons brièvement les faits de cette affaire : Monsieur Charles Hedrich a déposé le 26 octobre 2016 la demande de marque française semi-figurative TOUR DE FRANCE A LA RAME reproduite comme suit pour couvrir notamment des activités sportives en classe 41 :

N° 4310124

Le Tribunal de Grande Instance de Paris, puis la Cour d’appel de Paris rejettent l’action en nullité formée contre cette marque par la Société du Tour de France (STF) et la société Amaury Sport Organisation (ASO) ; action fondée sur la renommée de la marque verbale française TOUR DE FRANCE de 1986 N° 1368310 désignant notamment la classe 41, et dont STF est titulaire et ASO licenciée.  

C’est dans ces conditions que STF et ASO ont formé un pourvoi afin d’obtenir la cassation de cet Arrêt. 

Position de la Cour de cassation 

Par Arrêt du 19 mars 2025, la Cour de cassation casse - en trois étapes - l’arrêt de la Cour d’appel faisant ainsi droit au recours de STF et ASO. 

S’agissant tout d’abord de la renommée exceptionnelle de la marque TOUR DE FRANCE reconnue par la Cour d’appel, la Cour de Cassation estime que la Cour d’appel a eu tort de considérer que la « renommée d'une marque est nécessairement cantonnée au public concerné par les produits ou services pour lesquels cette renommée a été acquise ». Elle invite donc la Cour d’appel de renvoi à tenir compte de la renommée de la marque TOUR DE FRANCE « avec une intensité si exceptionnelle » de manière plus large et non uniquement pour des services en lien avec le cyclisme puisque la marque TOUR DE FRANCE bénéficie d’une renommée qui s’étend bien au-delà du public visé par cette marque.  

Concernant la comparaison des marques en cause, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir pris en considération les conditions d’exploitation de la marque antérieure pour apprécier le risque de confusion. En d’autres termes, le fait que la marque TOUR DE FRANCE soit connue pour une course cycliste est un élément étranger alors même que la marque est protégée pour des services plus généraux d’organisation d’épreuves sportives en classe 41. 

Enfin, la Cour d’appel a eu tort de ne pas rechercher si « l'exploitation de la marque postérieure Tour de France à la rame n'exposait pas la marque antérieure Tour de France à un risque de brouillage en affaiblissant le rattachement opéré par le public et les médias avec ladite marque et en amenant ces derniers à penser que ces termes sont génériques, affectant ainsi son caractère distinctif propre et sa fonction d'origine essentielle ». La Cour de cassation lui demande donc de réexaminer le risque de dilution qu’elle avait écarté en estimant que l’expression TOUR DE FRANCE pouvait être utilisée dans son sens usuel. 

Analyse de cette décision  

Après avoir longuement ramé, la renommée de la marque TOUR DE FRANCE est enfin généreusement reconnue avec toutes les conséquences qui s’y attachent. 

Il est évident qu’une telle appréciation de l’atteinte à la renommée d’une marque ne doit trouver à s’appliquer que pour les marques de renommée intense comme c’est le cas de la marque TOUR DE FRANCE qu’on ne présente plus et dont l’évènement annuel créé en 1903 qu’elle désigne n’est autre que le troisième évènement sportif mondial selon une encyclopédie en ligne ! De tels éléments de fait doivent en effet aider à distinguer de telles marques des marques de renommée plus classique qui n’auraient probablement pas bénéficié dans un pareil cas d’une protection aussi large. 

Il faut également souligner que la construction de la marque adverse était appropriée pour trancher en ce sens contrairement à un précédent et récent cas TOUR DE FRANCE / TOUR DE X par lequel le Tribunal de l’Union Européenne avait estimé qu’aucun lien ne pouvait être établi entre les marques en conflit (Arrêt du 12 juin 2024). 

Il sera à présent intéressant de suivre le raisonnement de la Cour d’appel de renvoi face à cet Arrêt qui vient assurément consacrer une protection ultra renforcée pour les marques d’une exceptionnelle renommée. Espérons que la Cour d’appel, à la lumière de l’Arrêt de la Cour suprême, fasse demi-tour… 

Fabienne Maucarré Conseil en Propriété Industrielle - Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf France. 

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