Appliquez-vous avant de déposer et d’exploiter votre marque !

Une marque doit être disponible afin de pouvoir valablement être déposée et exploitée. En d‘autres termes, elle ne doit pas porter atteinte aux droits antérieurs de tiers, sous peine, en fonction du type de droits en cause, d’être bloquée au stade du dépôt par une opposition du titulaire des droits antérieurs ou d’être invalidée, après son enregistrement, par le biais d’une action judiciaire en nullité, formée également par le titulaire des droits antérieurs.

A ce titre, le nom d’une application pour smartphone peut invalider une marque.

Le Code de la propriété intellectuelle en son article L 711-4 (voir in fine pour la citation complète du texte) énumère des types de droits antérieurs auxquels une marque postérieure ne doit pas porter atteinte sous peine d’invalidation.

Dans cette liste, on retrouve notamment et sans grande surprise, la marque antérieure protégée pour des produits ou services identiques ou similaires, la dénomination sociale antérieure, mais aussi les droits d’auteurs et ceux résultant d’un dessin ou modèle protégé, les indications géographiques et quelques autres.

Tous les citer serait vain pour faire le tour des types d’antériorités pouvant invalider votre marque, d’autant que la liste de l’article L 711-4 qui débute par l’adverbe «  notamment » n’est pas exhaustive.

Aux exemples légaux ont ainsi été par exemple ajoutés, les noms de domaine, les indications géographiques (avant qu’elles ne soient expressément intégrées par une loi de 2014 dans la liste des exemples légaux d’antériorités), et plus récemment les noms d’application pour smartphone.

Dans une affaire du 25 mai 2018 (PIBD N°1108.III.44), le Tribunal de Grande Instance(TGI) de Paris a en effet rappelé que le nom d’une application pour smartphone peut constituer un droit antérieur à une marque susceptible, sous certaines conditions, d’invalider une marque postérieure ; vu le caractère non limitatif de la liste des antériorités de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle.

En l’espèce, une société assignée en contrefaçon de marque a excipé en défense de la nullité de la marque qu’elle était accusée de contrefaire en invoquant une application pour smartphone antérieure à ladite marque, qui viendrait invalider par conséquent la marque postérieure à l’application pour smartphone et la délivrer de la contrefaçon.

Bel axe de défense et habile réflexe que d‘invoquer des droits d’usage sur un nom d’application pour smartphone qui représente indéniablement une valeur commerciale et un identifiant qui mérite protection, surtout en considération des enjeux financiers et économiques des applications.

Cependant, en l’espèce l’argument n’a pas fait mouche. En effet, le TGI de Paris relève, dans son jugement du 25 mai 2018, que les conditions requises afin que le nom de l’application invalide la marque postérieure ne sont pas réunies. La demande en nullité de la marque postérieure pour atteinte à un droit antérieur constitué du nom d’une application pour smartphone est ainsi rejetée.

Le TGI rappelle à cet égard que si l’adverbe «  notamment » permet d’invoquer des antériorités d’usage non mentionnées dans la liste légale, encore faut-il que l’antériorité en cause ait fait l’objet d’un usage effectif antérieur suffisant et qu’il y soit porté atteinte par la création d’un risque de confusion.

En l’espèce, les conditions n’étaient pas réunies puisque le TGI note que l’application invoquée n’a été lancée que quatre mois avant le dépôt de la marque dont la nullité était sollicitée (pas d’usage suffisant ou d’exploitation effective antérieure) et qu’au surplus les signes en cause étaient suffisamment différents et destinés à des produits et services dissimilaires ( pas de risque de confusion).

Les conditions d’un usage antérieur suffisant et effectif et celle du risque de confusion, qui reprennent en tout point les conditions exigées depuis plus de quinze ans en matière de nom de domaine pouvant venir invalider une marque postérieure, permettent de limiter l’insécurité juridique liée à la prise en compte des antériorités dites d’usage, tout en offrant quand même un correctif en autorisant une protection éventuelle des antériorités d’usage représentant une valeur économique.

Dès lors, pour éviter toute surprise, appliquez- vous à vérifier, au moins à l’identique, qu’aucun nom d’application pour smartphone antérieur à votre marque n’est exploité sur le marché pour le même type de produits et services et à l’inverse, pour éviter tout débat sur la condition d’usage antérieur effectif, appliquez- vous à déposer à titre de marque le nom de vos applications pour smartphone.

Alexandra Di Maggio est Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles chez Novagraaf France.

« Article L711-4 du Code de la propriété intellectuelle »

Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;

b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

d) A une appellation d'origine protégée ou à une indication géographique ;

e) Aux droits d'auteur ;

f) Aux droits résultant d'un dessin ou modèle protégé ;

g) Au droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;

h) Au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale ».

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