Le régime de la renommée a ses limites, ce qu’il peut être bon de rappeler

Par Marine Deniau,

CJUE, 11 juin 2020, China Construction Bank Corp. c/ EUIPO, aff. C-115/19

La CJUE a récemment rappelé les limites du régime de la renommée, précisant que la renommée d’une marque antérieure ne doit pas être prise en compte lors de l’appréciation de la similitude entre deux signes.

Avant toute chose, rappelons que le régime de la renommée vise à étendre la protection conférée à une marque et à faire bénéficier son titulaire d’une protection plus importante, qui dépasse le principe de spécialité.

Ainsi, une marque jouit d’une renommée lorsqu’elle est connue dans une partie substantielle du territoire pertinent et d’une partie significative du public concerné par les produits et services visés. Il y a lieu de prendre en compte notamment la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique, et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise.

Son titulaire pourra ainsi faire interdire toute marque identique ou similaire qui vise des produits ou services différents des siens, tant qu’il démontre que la marque litigieuse tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou qu’elle porte préjudice à son titulaire.

Le régime de la renommée présente donc des avantages incontestables et permet aux titulaires de marques de bénéficier d’une protection élargie.

Ce régime a toutefois également ses limites, et la CJUE n’a pas manqué de le rappeler dans son arrêt du 11 juin dernier.

En l’espèce, la renommée de la marque semi-figurative https://euipo.europa.eu/copla/image/CJ4JX4FZVCC523YA2TMALSKFLHCIEUOVHQW5NA2O74UH65MJDF3GPK73JETGXTU3N6CJEPGCMVREQ  était invoquée. La Cour rappelle alors qu’il est erroné de se fonder sur la renommée pour déterminer que tel élément du signe est dominant (en l’espèce, l’élément verbal « CB ») et qu’il doit donc à son tour dominer l’évaluation de la similitude des signes.

La renommée d’une marque verbale fortement stylisée se fonde en effet précisément sur une connaissance, par une partie significative du public pertinent, de l’ensemble des éléments, tant verbaux que figuratifs, qui composent cette marque.

Evaluer la similitude des signes en conflit en fonction de la renommée de la marque antérieure (et donc de ses éléments plus ou moins distinctifs) constitue donc un raisonnement erroné.

Bien que la renommée joue bien entendu un rôle important dans l’appréciation, plus générale, du risque de confusion, celle-ci ne saurait intervenir dans l’appréciation de la similitude des signes (fondée sur une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes).

Marine Deniau, Conseil en Propriété Industrielle & Mandataire Européen en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf France

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