Paquet modèles – Coup de jeune et passage au vert

Jeune homme joyeux habilé en vert

La proposition de réforme des dessins et modèles de l'UE vise à rajeunir, harmoniser et moderniser un système mis en place il y a 20 ans. Anne-Catherine Schihin présente ses principaux objectifs, y compris les objectifs écologiques de la nouvelle clause de réparation.

La refonte engagée du droit des modèles communautaires, ou de l’Union Européenne, prend sa source dans une communication en date du 25 novembre 2020 pour un plan d’action visant à soutenir la propriété intellectuelle et à exploiter l’innovation au sein de l’UE.

Le but recherché est que l’ensemble des pays membres transpose les dispositions de la Directive et du Règlement modifiés dans son droit national.

D'abord la marque européenne, maintenant la réforme des dessins et modèles de l'UE

Après le paquet marques, ce sont les modèles qui doivent faire l’objet de la modernisation d’un système déjà âgé de 20 ans, mis en œuvre à une époque où le numérique n’avait pas autant d’importance. Les outils numériques et les supports utilisés au quotidien rendent en partie obsolètes les outils de dépôt actuels et les objets susceptibles de protection.

La réforme a pour objectif de réduire les coûts, faciliter l’accès à la protection, rapprocher les législations mais aussi de prendre en compte une modernisation des moyens de communication, des supports numériques et de l’évolution des produits, des mentalités et des besoins.

Le projet de réforme comprend une révision du règlement nº 6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires et de la Directive n° 98/71/CE du Parlement Européen. Au stade actuel il s’agit d’un projet, sur lequel les professionnels du droit de la PI ont eu la possibilité d’adresser des commentaires afin de communiquer sur des propositions de modifications ou d’améliorations correspondant à la pratique quotidienne.

Comme nous l'avons déjà évoqué, les professionnels du droit de la propriété intellectuelle ont été invités à faire part de leurs commentaires sur la proposition actuelle, notamment en suggérant des modifications ou des améliorations fondées sur leur pratique quotidienne.

Alors que nous attendons avec impatience la version finale, on peut d’ores et déjà faire état des modifications proposées en lien avec la modernisation et l’évolution technique présentes dans notre vie quotidienne et se rendre compte que le concept de durabilité va également impacter notre droit.

Paquet modèles : quelles sont les principaux points ?

La réforme vise à moderniser les supports utilisés pour l'enregistrement des dessins et modèles, ainsi que la nature des dessins et modèles pouvant être protégés, en les intégrant sous forme numérique. Elle vise à mieux gérer et prendre en compte :

1/ Les produits qui ne sont pas incorporés dans des produits physiques :

  • le mouvement, les transitions ou l’animation des caractéristiques d’un produit sont prévues (article 2.3 de la Directive)
  • les interfaces numériques sont explicitement visées (article 2.4.b de la Directive)

2/ Les avancées techniques dans la visualisation et la création de produits numériques : Pour le moment, la protection de séquences vidéos ou d’animations n’est envisageable qu’en découpant cette animation en 7 vues consécutives, déposées au sein d’un même modèle, permettant de figurer plus ou moins bien le contenu de l’animation. Les nouvelles dispositions vont permettre de déposer un fichier vidéo et, à priori, des fichiers CAO, des images 3D.

3/ L' utilisation et le développement croissants de l'impression 3D en veillant à ce que les droits des dessins et modèles soient mieux protégés : la définition de la copie illicite est clairement indiquée dans la directive et inclut : « la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution à autrui de tout support ou logiciel enregistrant le dessin et modèle en vue de permettre la réalisation d’un produit [dans le lequel le dessin ou modèle  est incorporé ou auquel il est appliqué] » (article 16.2.b de la Directive).

Ainsi, la mise à disposition de tout support ou logiciel enregistrant le dessin et modèle, le fait de numériser ou de configurer une copie numérisée d’un produit dans le but de le reproduire, à des fins commerciales, via une imprimante 3D sera interdit, une fois ses dispositions incorporées dans le droit de chaque pays de l’UE

Paquet modèles : la clause de réparation

L’impact du concept de durabilité et de l’économie verte, plébiscités actuellement est intégré dans cette réforme grâce à la clause de réparation.

L’économie circulaire, la réutilisation de pièces d’occasion ou de pièces moins couteuses a engendré une prise de conscience qui va jusqu’à prévoir de modifier la portée du droit accordé au titulaire de dessins et modèles en passant outre son monopole et son droit d’interdire aux tiers de reproduire son produit.

Afin de justifier cette disposition, son impact économique a été chiffré. Le marché des pièces détachées est très important et le choix envisagé par la Commission en intégrant la clause de réparation devrait permettre une économie évaluée entre 340 et 544 millions d’Euros par an.

Ainsi, l’article 18.1.h prévoit expressément que « Les droits conférés dès l’enregistrement d’un dessin ou modèle ne s’exercent pas à l’égard de l’exécution de réparations sur ces véhicules ». L‘article 19 énonce une clause expresse de réparation qui prévoit que la protection ne sera pas accordée aux pièces de produits complexes dont le but est de permettre la réparation de ce produit en vue de lui rendre son apparence initiale. En revanche cette clause ne pourra être invoqué par le fabricant de cette pièce que si une mention claire et visible apparait sur le produit et informant le consommateur de l’origine du produit.

Cette clause pourra donc être invoquée par le constructeur de pièces détachées si 3 conditions sont remplies : que la pièce fasse partie d’un produit complexe, que sa forme soit conditionnée par le produit complexe auquel elle est destinée et la nécessité d’informer le consommateur de façon claire et visible qu’il s’agit d’une pièce de rechange.

Cette disposition est prévue pour devoir être adoptée par les états membres au plus tard 10 années après l’entrée en vigueur de la directive et elle ne sera appliquée qu’aux enregistrements futurs.

Paquet modèles : un changement de nom

Le coup de jeune prévu sur les dessins et modèle s’accompagnera de la mise au rebus du terme « communautaires » puisque, pour s’aligner sur les marques, les dessins et modèles deviendront « de l’Union Européenne ».

Ces dispositions ne sont pas finales. Les modifications de la Directive et du règlement sont encore en cours, mais la protection des produits numériques, la possibilité de déposer des vidéos ou images 3D ainsi que la prise en compte d’impératifs écologiques et économiques ne devraient pas être remis en cause dans la version définitive de la réforme tant ses dispositions semblent logiques et évidentes.

Anne-Catherine Schihin, Conseil en Propriété Industrielle – Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France.

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