Rébellion mousseuse : Quand les bières françaises défient la loi Evin et les conventions

Par Florence Chapin,

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Dans l'univers brassicole français, un vent souffle en secouant les traditions établies et déclenchant une révolution mousseuse. Les marques de bières subversives se dressent, bravant les normes avec audace, créativité et… prise de risques.

Les marques subversives et leur impact sur le marché brassicole

Ces brasseurs iconoclastes défient les conventions et, au-delà du contenu de la bouteille, ces marques insoumises adoptent souvent des étiquettes provocatrices, tout comme un marketing rebelle. Des illustrations frondeuses et des noms percutants défient l'ordre établi, capturant l'esprit de la contre-culture brassicole. Chaque gorgée devient une déclaration de non-conformité, une rébellion délicieuse contre la monotonie des bières standardisées.

Les marques de bières en France dépassent les limites établies, laissant dans leur sillage une effervescence de créativité, de saveurs inédites et d’audace. Ces bières qui bousculent les conventions avec panache ne sont pas toujours du goût de l’association ADDICTIONS FRANCE qui, ces dernières années, vient faire sanctionner cette espièglerie.

La loi Evin et ses implications sur les packagings de bières

image provenant du site d'Addictions FranceLe 2 novembre 2023, le tribunal correctionnel prononçait alors une sanction à l’encontre de la brasserie du Comtat avec une amende de 1000 € avec sursis en raison de la dénomination et du packaging illustré, jugé douteux voire explicite de ses bières, telles que « Pompette à Bicyclette », « Pop My cherry », « La préférée du Père Noël ».

Addictions France reprochait également à ces dénominations « d’être assorties d’illustrations farfelues, osées, voire sexistes, en lien avec des personnages mythiques ou imaginaires ayant pour objectif et pour effet d’amuser les consommateurs, et pour conséquence d’éveiller leur curiosité, ce qu’admettait le brasseur ».

Cette décision ramène à la réalité de la loi Evin qui ne prévoit donc pas dans ses dispositions de communication basée sur l’amusement, l’humour, douteux-ou non ni la grivoiserie.

Cette affaire permet de revenir sur la législation autour du packaging, car, si les étiquettes des boissons alcoolisées semblaient jouir d’une certaine liberté au regard de la diversité et de la créativité observable par les consommateurs, s’est posée à plusieurs reprises la question de leur soumission aux dispositions de la loi Evin.

Quelques errements puis, enfin, les tribunaux, et notamment la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 9 février 2016, ont opté pour une position plutôt souple : le packaging / l’étiquette n’était soumis à la loi Evin qu’en cas de reproduction dans une publicité. A la bonne heure !

Tout compte fait et assez rapidement, un arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2017 (Aff. Carlsberg) est venu clarifier la situation, en affirmant que les packagings et étiquettes sont bel et bien soumis aux restrictions imposées par la loi Evin.

En conséquence, comme le prévoit la loi Evin et les dispositions de l’Article L 3323-4 du Code de la Santé : l’étiquette/le packaging doit donc respecter une certaine neutralité limitée aux caractéristiques objectives de présentation du produit et de sa fabrication et ne doit donc pas inciter à la consommation d’alcool.

Les défis légaux et sociaux pour les marques provocatrices

Ainsi, après les packagings explicites, Addictions France poursuit sa mission en s’attaquant aux marques aux allusions sexuelles ou grivoises.

Bières BEER MARKET | NovagraafDans un arrêt du 15 mai 2024, la Cour d’appel de Paris a tranché en faveur de l’association Addictions France en condamnant la société mayennaise BEER MARKET commercialisant une bière nommée « Levrette ».

Elle écope d’une amende extrêmement sévère de 50 000 euros pour avoir enfreint la loi Evin.

Sont également mis en cause les slogans grivois associés à cette bière, comme « Une petite Levrette entre amis » ou encore « Bière blonde de position » qui ont été jugés inappropriés par la justice.

Une cessation immédiate de l’usage de la marque LEVRETTE et des slogans a été ordonnée.

Il est reproché à Beer Market d’avoir sciemment contourné la loi en utilisant des références sexuelles explicites pour promouvoir ses produits.

Est également mis en cause dans le cadre de cette affaire, l’emploi de mascottes de lapins : « L’emploi de mascottes sous forme de lapins stylisés évoquant des personnages populaires de jeux vidéo et de dessins animés pour enfants, contribuait à la personnification de la bière et constitue un procédé publicitaire illicite » estime Addictions France.

La société BEER MARKET, face à la sévérité de cette décision a formé un pourvoi en Cassation dont l’issue pourra être déterminante pour les bières bien connues aux noms ne laissant pas indifférent comme la sulfureuse « KEKETTE » ou encore le non moins polémique « PRENDS MOI ».

Ce n’est pas tant le sexisme qui est sanctionné dans les dernières affaires, mais plutôt la notion de plaisanterie (grivoise ! ndlr) de nature à amuser le consommateur, l’humour ne figurant pas dans les critères de la loi Evin règlementant la publicité sur les boissons alcoolisées et de facto la promotion par le biais des packagings.

La condamnation de marques de bières audacieuses ou grivoises, comme la bière LEVRETTE, met en lumière le conflit entre la liberté d'expression commerciale et les normes sociétales de décence et de santé publique. La loi Evin, en imposant des restrictions strictes sur la publicité des boissons alcoolisées, cherche à protéger les consommateurs, notamment les jeunes, des influences potentiellement néfastes.

Cependant, cette régulation soulève une question fondamentale : notre société doit-elle désormais être prude et bridée dans toutes ses expressions commerciales et publicitaires ? D'un côté, il est indéniable que des mesures sont nécessaires pour prévenir les abus et protéger la santé publique. D'un autre côté, l'excès de pruderie peut mener à une censure excessive et à la suppression de la créativité et de l'humour dans la publicité.

En conclusion, bien que ces sanctions nous invitent à réfléchir à l'équilibre à trouver entre protection et liberté. La question demeure ouverte : jusqu'où devons-nous aller pour préserver les valeurs et la santé publique, sans pour autant étouffer l'expression créative et commerciale ? Le débat mérite d'être poursuivi pour définir les limites appropriées dans une société en constante évolution.

La décision de la Cour de Cassation dans l’affaire BEER MARKET sera donc très attendue par toute la filière !

Florence Chapin, Conseil en Propriété Industrielle en Marques, Dessins et Modèles et Responsable du pôle viti-vinicole, Novagraaf, France.

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