"RPCR 2020" : Le règlement de procédure révisé des chambres de recours

Par Valérie Stephann,

Valérie Stéphann explique le nouveau réglement de procédure des Chambres de recours de l'OEB (RPCR), "RPCR 2020",  en vigueur depuis le 1er janvier 2020 qui s'applique à tout recours en instance ou formé à compter de cette date (voir article 25 RPCR 2020).

Les décisions des départements de première instance de l'OEB (section de dépôt, division d'examen, division d'opposition ou division juridique) peuvent faire l'objet d'un recours (c'est-à-dire être contestées) devant les Chambres de recours de l'OEB. L'objet premier de la procédure de recours est de réexaminer la décision faisant l'objet du recours de manière juridictionnelle (voir article 12(2) RPCR). Les Chambres agissent en tant qu'instances finales dans les procédures de délivrance et d'opposition devant l'OEB. Le règlement de procédure des Chambres de recours fournit des détails sur la procédure devant les Chambres de recours.

L'OEB déclare que les objectifs de la révision du réglement de procédure des Chambres de recours sont d' "accroître (i) l'efficacité, en réduisant le nombre de questions à traiter, (ii) la prévisibilité pour les parties et (iii) l'harmonisation".

En fait, le RPCR 2020 codifie divers aspects de la pratique et de la jurisprudence actuelles des Chambres de recours, notamment en ce qui concerne le fondement de la procédure de recours (voir article 12 RPCR 2020) et la possibilité pour une partie de modifier son dossier de recours pendant le recours lui-même (voir article 13 RPCR 2020).

Fondement de la procédure de recours - Article 12 RPCR

L'article 12 définit ce qui constitue les moyens invoqués par une partie (“party’s appeal case”) dans la procédure de recours.

L'article 12, paragraphe 2, stipule que "le recours d'une partie porte sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves sur lesquels la décision attaquée était fondée".

L'article 12, paragraphe 4, tel que modifié, introduit la notion de modification (“amendment to the party’s appeal case”) et précise en outre que toute modification de ce type ne peut être admise qu'à l‘appréciation de la Chambre :

"Tout élément des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours qui ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe 2 doit être considéré comme une modification, à moins que la partie ne démontre que cet élément a été valablement soulevé et maintenu dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée. L'admission de telles modifications est laissée à l'appréciation de la Chambre.

La partie doit indiquer clairement chaque modification et justifier pourquoi elle la soumet dans la procédure de recours. En cas de modification apportée à une demande de brevet ou à un brevet, la partie doit indiquer le fondement de la modification dans la demande telle que déposée et expliquer pourquoi la modification surmonte les objections soulevées.

La Chambre exerce son pouvoir d'appréciation en tenant compte, entre autres, de la complexité de la modification, de la pertinence de la modification pour traiter les questions ayant conduit à la décision attaquée, et du principe de l'économie de la procédure.

Modification de la procédure d'appel d'une partie pendant la procédure d'appel - Article 13 LRPB

L'article 13 définit la manière dont une partie peut modifier ses moyens invoqués (“party’s appeal case”) pendant la procédure de recours, après la première étape de dépôt du mémoire de recours.

L'article 13, paragraphe 1, précise que toute modification de la procédure de recours d'une partie après le dépôt du mémoire de recours ou de la réponse doit être justifiée par la partie et ne peut être admise qu'à l’appréciation de la Chambre. Lorsque la Chambre de recours exerce son pouvoir discrétionnaire, elle examine si la modification résout les problèmes en question. Lorsqu'une demande de brevet ou un brevet est modifié, la partie devra montrer que la modification "surmonte, de prime abord, les questions soulevées … et qu'elle ne donne pas lieu à de nouvelles objections".

L'article 13, paragraphe 2, précise que toute modification des moyens invoquées d'une partie déposée après une convocation à la procédure orale "n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes".

Que signifient en pratique les modifications apportées aux articles 12 et 13 RPCR?

En pratique, les articles 12 et 13 révisés signifient que le même match, basé sur les mêmes requêtes, faits, objections, arguments et preuves, sera rejoué en appel. En règle générale, les nouveaux documents, les nouvelles requêtes, les nouveaux arguments présentés pour la première fois en appel seront considérés comme des "modifications". Leur admission sera laissée à l’appréciation de la Chambre. En outre, le nouveau règlement exige explicitement que la partie identifie clairement chaque modification apportée et qu'elle fournisse les raisons la présentation de cette modification à ce stade de la procédure (dans la procédure de recours).

Les aspects ci-dessus s'appliquent au stade de la formation du recours (premier niveau).

Ensuite, au cours de la procédure de recours, plus une partie voudra présenter tardivement une modification à ses moyens invoqués (requêtes, faits, objections, arguments et preuves), plus il sera difficile de faire admettre cette modification dans la procédure de recours.

Lorsqu'une modification est présentée après le stade du dépôt du mémoire de recours (deuxième niveau), le nouveau réglement exige que la partie justifie la modification à ce stade et la Chambre de recours exerce son pouvoir discrétionnaire en examinant si la modification résout les questions soulevées. Lorsqu'une demande de brevet ou un brevet est modifié, la partie devra montrer que la modification " surmonte, de prime abord, les questions soulevées … et qu'elle ne donne pas lieu à de nouvelles objections ".

Lorsqu'une modification est soumise après une convocation à procédure orale (troisième niveau), le nouveau règlement stipule que la modification ne sera pas prise en compte, sauf si des "circonstances exceptionnelles" sont justifiées par la partie.

Les articles 12 et 13 ont été modifiés pour réaffirmer plus explicitement que l'objet premier de la procédure de recours est une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée. La procédure de recours ne constitue pas une continuation de la procédure de première instance, s'appuyant sur de nouvelles requêtes, faits, objections, arguments et/ou preuves, mais doit être basée sur les requêtes, faits, objections, arguments et preuves sur lesquels la décision de première instance était fondée.

En pratique, les parties devront s'assurer qu'elles disposent d'un dossier complet (requêtes, faits, arguments et preuves) déposé et admis durant la procédure en première instance pour faire un recours.

Autres changements dans le RPCR 2020

L'article 11 limite le renvoi au service de première instance, sauf si des "raisons particulières" le justifient. Le renvoi en première instance est désormais l'exception.

Les articles 5 et 10 donnent la possibilité à la Commission de regrouper plusieurs procédures de recours, de traiter plusieurs recours liés entre eux immédiatement l'un après l'autre, et d'accélérer les procédures de recours (à la demande d'une partie).

L'article 12, paragraphe 7, stipule que le délai de 4 mois pour répondre aux motifs du recours peut exceptionnellement être prolongé de 2 mois au maximum à la discrétion de la Commission "sur demande écrite et motivée".

L'article 15 donne la possibilité à la Commission de rendre des décisions abrégées par écrit, avec le consentement explicite des parties.

Valérie Stépahnn, Conseil en Propriété Industrielle en Brevets, Novagraaf Genève.

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