Décision T 1078/23 : Pas besoin de justifier le point de départ si l’invention est rejetée

By Novagraaf Team,

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Dans une récente décision (T 1078/23), la Chambre de recours de l’OEB a apporté une précision utile : lorsqu’une invention est rejetée pour manque d’activité inventive, il n’est pas toujours nécessaire de justifier longuement le choix du document technique utilisé comme point de départ. L’affaire portait sur une technologie 5G visant à mieux gérer la consommation d’énergie dans les réseaux mobiles.

L’invention 

Dans sa décision T 1078/23, la Chambre de recours technique 3.5.05 de l’OEB a rejeté le recours formé par Beijing Xiaomi Mobile Software Co., Ltd. contre le rejet de sa demande de brevet européen n°20166431.5, relative à une méthode de gestion d’états dormants et non-dormants dans des groupes de cellules secondaires (SCell) dans les réseaux mobiles 5G. 

La demande portait sur une méthode permettant à un appareil sans fil de maintenir certains groupes de cellules en état actif (non-dormant), tandis que d'autres pouvaient basculer de manière sélective en état dormant, dans le but de réduire la consommation d’énergie sans compromettre la réactivité du réseau. Ce mécanisme repose notamment sur des messages de contrôle (DCI) et l’usage des Bandwidth Parts (BWPs), éléments-clés dans l’architecture 5G. 

La décision de la Chambre 

La Chambre, dans cette affaire, a confirmé l’analyse de la division d’examen, concluant a minima à l'absence d’activité inventive pour l’ensemble des requêtes du Demandeur. 

La division d’examen avait initialement considéré le document D1 comme étant l’art antérieur le plus proche de l’invention examinée.  

Le Demandeur, quant à lui, avait argumenté que dans la mesure où la demande dans son ensemble concernait clairement la gestion de l'état activé (« non dormant ») et de l'état dormant, le document D5 devait être considéré comme art antérieur le plus proche de l’invention (bien que D1 appartienne au même domaine technique que l'invention).   

Il faisait ensuite valoir que l'homme du métier ne combinerait pas les enseignements des documents D1 et D5, s'agissant de documents éloignés, et qu’en tout état de cause, la combinaison des documents D1 et D5 conduirait à un procédé différent de celui revendiqué, dans lequel l'« état dormant » serait toujours géré séparément pour chaque SCell individuelle plutôt que sur la base d'un « groupe de SCell ». 

La Chambre a confirmé l’analyse de la division d’examen en considérant que D1, appartient au domaine technique de la demande examinée, dans la mesure où il propose un cadre unifié pour la configuration/activation/désactivation des CC (Component Carriers) et des BWP (BandWidth Parts) dans les systèmes NR (New Radio), est un point de départ pertinent pour évaluer l’activité inventive de ladite invention. Elle estime notamment que le fait que D1 ne divulgue pas la caractéristique d’« état dormant » de la revendication principale de l’invention n'empêche nullement que ce document constitue un point de départ approprié pour l'appréciation de l'activité inventive.  

La Chambre considère en effet, en accord avec T2223/19 et T449/23, mais contrairement aux décisions T2057/12, T2759/17 et UPC_CFI1/2023, qu’il n'est pas nécessaire de justifier spécifiquement le choix du point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive si celle-ci doit être refusée, et qu’un objet revendiqué doit être inventif par rapport à tout état de la technique. Elle considère donc qu’il n'est pas pertinent de savoir si, dans ce contexte, d'autres éléments de l'état de la technique sont « relativement plus proches » de l'objet revendiqué. 

La Chambre a dès lors validé le raisonnement final de la division d’examen selon lequel, sur la base de la combinaison de D1 et de D5, l’invention revendiquée n’impliquait pas d’activité inventive : la combinaison simple de D1 et D5 entraînerait l'ajout évident d'un « BWP dormant » aux « états d'activation BWP » existants de D1, à savoir « activé » et « désactivé ». 

Analyse réflexive  

Il pourrait être imaginé des réactions contrastées dans la communauté des praticiens autour de cette méthodologie du choix du document de départ pour évaluer l’activité inventive. Il pourrait par exemple être considéré que cette décision entraîne un certain « assouplissement » méthodologique, autorisant la mise en œuvre d’un raisonnement d’activité inventive en partant de documents relativement éloignés techniquement de l’objet revendiqué, ouvrant éventuellement la porte à des raisonnements a posteriori.  

Mais il pourrait également être considéré que cette approche flexible est cohérente, dans la mesure où dans cette affaire, D1 et D5 relèvent tous deux du même domaine (réseaux mobiles NR/5G), et que le raisonnement retenu est ainsi cohérent avec la jurisprudence récente, notamment les décisions T 1632/22 et T 428/23, selon lesquelles tout document pertinent est un point de départ valable s’il permet d’aboutir à l’invention. 

Mélanie Ollivier-Régnier, Ingénieur Brevets, Novagraaf, France 

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